La semaine nationale de la culture s’est tenue du 29 avril au 06 mai 2023 à Bobo-Dioulasso. Cette biennale de la culture a rassemblé plusieurs artistes et exposants venus des quatre coins du Burkina, de la sous-région et du monde entier. Les uns comme les autres ont bravé toutes sortes de difficultés pour participer à cette rencontre culturelle. Malgré le contexte sécuritaire difficile de certaines régions du Burkina Faso, des artistes venus de zones à fort défi sécuritaire ont tenu à participer à cette semaine nationale de la culture (SNC). Il s’agit entre autres de la troupe Zoodo de Tibga et la troupe Yanpabou de Fada N’Gourma. Toutes deux venus de l’est du Burkina Faso.
La troupe Zoodo est venue de la commune de Tibga. Une localité située sur l’axe Fada-Koupéla dans la région de l’Est. Victimes d’attaques terroristes depuis quelques années, Tibga fait partie des zones à fort défi sécuritaire du Burkina Faso.
Grâce à la résilience de la population locale et des forces de défenses et de sécurité, la vie poursuit son cours à Tibga. La preuve, la troupe zoodo de Tibga a participé à la Semaine nationale de la culture. Une participation motivée par plusieurs raisons selon Emmanuel Ouango, responsable de la troupe. « Notre participation à cette édition de la SNC s’explique par plusieurs raisons. D’abord nous avons été sélectionnés au niveau régional. Donc, il fallait se déplacer à Bobo pour participer à la suite de la compétition. Mais, malheureusement la SNC a été reportée mainte fois à cause de l’insécurité. Aussi, comme le gouvernement a fait l’effort d’organiser la SNC malgré le contexte du pays, nous aussi, nous avons fait de notre mieux pour y participer. L’insécurité ne doit pas prendre le dessus sur la culture. Car si le Burkina Faso reste toujours debout malgré toutes ses attaques, c’est en grande partie grâce à notre culture », a-t-il laissé entendre.
« On ne nous a remis que 200 000 FCFA pour toute la région de l’Est«
Participé à la SNC 2023 n’a pas été chose facile pour la troupe zoodo. A cause des multiples reports et des difficultés à répéter, de nombreux danseurs de la troupe ont dû abandonner selon son responsable. « A cause des multiples reports, plusieurs de nos artistes qui ont compéti au niveau régional sont partis sur des sites d’orpaillages. Nous étions obligés de les remplacer. Aussi avec la menace terroriste, il était impossible de faire les répétitions à Tibga. Nous étions obligés de nous déplacer à Ouagadougou pour bien répéter. Alors nous nous sommes sacrifiés en laissant nos activités quotidiennes pour partir à Ouagadougou. Nous y avons fait 04 nuits, à répéter du matin jusqu’à 22h », explique Emmanuel Ouango.
A toutes ces difficultés, s’est joint des problèmes financiers. « Je ne sais pas si c’est notre région qui est plus pauvre que les autres régions mais je n’arrive pas à comprendre qu’en venant ici, on ne nous a remis que 200 000 FCFA. Une somme que nous avons partagé à raison de 2000 FCFA par personne. C’est une triste réalité pour nous » regrette-t-il.
A l’instar de la troupe zoodo, la troupe yanpabou de Fada a également participé à la SNC 2023 pour soutenir l’effort du gouvernement, à en croire le responsable Ouoba Diakjandia, responsable de ladite troupe.
Venue de la ville de fada N’Gourma, la troupe yanpabou composée de 14 membres a bravé vents et marées pour pouvoir être présente à la 20ème édition de la SNC. « A cause de l’insécurité, nous avons commencé les entrainements tard. Les forces de défenses et de sécurité nous ont rassurés et nous avons fait 15 jours d’entrainement intensif matin comme soir pour être là aujourd’hui », relate Ouoba Diakjandia, responsable de la troupe yanpabou.
Les responsables des troupes mécontents du gouverneur de la région
Les responsables des troupes de la région de l’Est n’ont pas manqué de signifier les multiples difficultés auxquelles ils ont été confrontés une fois arrivés à Bobo-Dioulasso. Ces derniers dénoncent la négligence de l’autorité de tutelle de leur région à leur égard depuis leur arrivée dans la ville de Sya.
« Je ne peux pas comprendre que d’autres gouverneurs viennent rendre visite à leurs artistes et que nous, nous ne recevons pas la visite du gouverneur de la région de l’est. Malgré le décès de notre maman dès notre arrivée à Bobo, nous n’avons pas vu notre gouverneur. Alors qu’elle devait participer à la compétition d’art culinaire. Nous sommes ici au nom du gouverneur car nous représentons la région. Notre succès est le succès du gouverneur et notre malheur est son malheur également. Mais s’il ne peut pas prendre juste 30 minutes pour venir nous encourager, c’est déplorable. Nous aurions voulu qu’il vienne seulement, même sans enveloppe, cela allait plus nous motiver. Personnellement, Je croyais pouvoir voir le gouverneur ici, car les années antérieures, les gouverneurs venaient nous rendre visite et nous apportaient leurs soutiens. Nous avons été délaissés et nous ne sommes pas contents », s’indigne Emmanuel Ouango de la troupe zoodo.
« Nous sommes venus à la fête de la culture sans goûter à la culture«
Le responsable de la troupe yanpabou quant à lui se plaint de tout autre problème. Il s’agit des moyens de déplacement et de la situation géographique du site d’hébergement. Selon ce dernier, sa troupe n’a pas pu participer aux plateaux off à cause de l’éloignement de leur site d’hébergement. « Il y a beaucoup de plateau off qui nous avaient programmé. Mais, malheureusement nous n’avons pas pu honorer l’invitation faute de véhicule pour nous transporter. Et même quand on les appelle, ils disent que notre site est loin et qu’ils ne peuvent pas venir nous chercher. En plus de cela nous n’avons même pas pu suivre les compétitions des autres artistes ni faire un tour à la foire. Car le site est trop loin de ces endroits. Je trouve que ceux qui sont restés dans nos localités valent mieux que nous car eux au moins, ils ont eu la chance de suivre les prestations à la télévision. Nous sommes venus à la fête de la culture sans goûter à la culture car nous n’avons suivi aucune prestation ni aucune exposition. J’aurai préféré qu’on place un écran ici pour que nous puisons suivre les prestations. Moi je participe à la SNC depuis les années 2000 et c’est la première fois que nous subissons cela. Sincèrement cette édition n’a pas été à la hauteur de nos attentes que ce soit du côté hébergement, restauration ou compétitions », dénonce Ouoba Diakjandia d’un ton calme mais ferme.
Représentant 17% du territoire national avec 5 provinces, la région de l’Est est située dans la partie Est du Burkina Faso. Avec une population de plus d’un million neuf cent mille (1,9 million) d’habitants, cette région est en proie au terrorisme depuis 2016.
Des chefs-lieux de province aux départements, en passant par les petits villages, rares sont les circonscriptions administratives épargnées par la présence des forces du mal dans cette localité du Burkina Faso.
Malgré la présence de ces forces obscures dans la plus vaste région du pays, les artistes de la localité ont tenu coûte que coûte a participé à la 20ème édition de la Semaine nationale de la culture (SNC) à Bobo-Dioulasso, tenue du 29 avril au 06 mai 2023.
Ces acteurs culturels mécontents de l’organisation de la 20ème édition de la SNC souhaitent que les autorités en charge de la culture travaillent davantage à offrir de meilleures conditions de participation aux artistes lors des prochaines éditions.
Malgré leurs difficiles conditions de participation, la troupe yanpabou de Fada a été classée 6ème en danse traditionnelle et la troupe zoodo a été classée 4ème de la compétition dans la catégorie.
Leïla Korotimi Koté/ Stagiaire
