Bien que veuve avec trois (03) enfants à charge et sans héritage ni ressources conséquentes, elle est aussi le pilier de sa famille d’origine. Son père, sa mère et son jeune frère, tous malades sont à sa charge. Avec son petit commerce de riz, elle peine à joindre les deux bouts avec près d’une dizaine de personnes à nourrir sans compter les frais d’ordonnance des trois (03) malades. Elle, c’est Salimata Sanou, cette veuve battante qui tient difficilement face à ses problèmes de famille mais qui refuse tout de même de sombrer. Elle appelle au secours pour sauver ses deux parents malades et son frère accidenté qu’elle peine à nourrir et à soigner.
Assise devant une table d’environ quatre mètres carré (04m²) face à la route bitumée, elle fait face au château d’eau de l’ONEA à Sarfalao. Elle attend des clients pour cette petite installation de fortune qui fait office de restaurant où elle vend du riz.
Cette vendeuse, c’est Salimata Sanou, une veuve qui refuse de sombrer malgré les coups de la vie. Son petit commerce de riz est sa seule et unique source de revenus pour des charges assez lourdes. Ce petit commerce compte de fidèles abonnés et son repas ne traine pas trop dès qu’elle se met en place car le prix de ses plats convient à toutes les bourses. Abdoul Rahim Bagamzanré est vendeur d’habits, de chaussures et tenancier d’un pressing à un jet de pierre du lieu de vente de Salimata Sanou.
Fidèle client de la vendeuse de riz, il apprécie bien la qualité, la quantité et le prix de vente de ses plats. « Ça fait maintenant près de quatre (04) ans que je me restaure chaque jour chez elle pour mon déjeuner. Je trouve ses plats de riz de bonne qualité et le prix aussi est bon. Une autre des raisons de ma fidélisation à ses plats, c’est le fait que c’est une veuve et c’est avec ce petit commerce qu’elle se débrouille pour nourrir ses enfants. C’est donc une manière pour moi de soutenir son commerce compte tenu de sa situation », explique le fidèle client de Salimata Sanou.
Abdoul Rahim Bagamzanré n’est pas le seul abonné au petit restaurant de Salimata Sanou. Visiblement, son petit commerce ne manque pas de clients. Mais elle manque de ressources pour agrandir son petit business.
Salimata Sanou, cheffe de deux familles malgré elle
Cela fait environ quatre (04) ans que Salimata a perdu son mari cultivateur. Avec lui, leur couple coulait des jours heureux et paisibles dans le village de Kouakolé, à une trentaine de kilomètres de la ville de Bobo-Dioulasso. Les produits des activités agricoles et pastorales du défunt chef de famille suffisaient à couvrir les besoins de la famille. La vie de Salimata Sanou commence à basculer quand le couple perd un (01) de leurs quatre (04) enfants.
Comme si le sort de la femme quadragenaire au physique imposant était scellé, elle perd son mari peu après. Veuve sans héritage, elle décide de s’installer à Bobo-Dioulasso où vit son frère cadet. Elle trouve l’initiative d’y créer une petite activité génératrice de revenus pour se loger et s’occuper de ses trois (03) enfants. Elle se lance dans la vente de riz.
Malgré la modestie de ses revenus, elle commençait à retrouver ses repères quand leurs deux (02) parents vivant dans le village de Dingasso rejoignent Bobo-Dioulasso pour les soins du père qui souffre d’une maladie urinaire.
Salimata Sanou et son petit frère se sont donnés la main pour les soins de leur père commun. Au même moment leur mère se retrouve à lutter contre des maux d’yeux qui menacent de l’aveugler. Les deux piliers de la famille se resserre les coudes pour tenir le coup. Ils parviennent à faire opérer un (01) des deux (02) yeux de leur mère.
Pendant qu’ils se préparaient pour faire opérer leur père qui souffre de troubles urinaire, le destin de Adama Sanou, frère cadet de Salimata bascule. Chauffeur d’une société de la place, il est victime d’un grave accident. Sa jambe droite est fracturée de la cheville à la cuisse. Son employeur prend en charge les premiers soins et l’opération de remise à l’état de la jambe avant de l’abandonner à son triste sort.
Depuis maintenant seize (16) mois, il traine sa douloureuse jambe qui l’empêche de dormir. En incapacité de travailler, il est viré par la société sans, selon ses dires, sans dédommagement ni prise en charge vu que c’est un accident de travail. Après avoir relancé son employeur en vain, Adama Sanou abandonné à lui-même dans une famille impuissante face à son mal, il n’attend que la grâce d’une bonne volonté pour sa deuxième opération qui consiste à retirer de sa jambe les prothèses métalliques qui ont servi à reconstituer son tibia et son fémur.
« Avec les prothèses métalliques dans ma jambe, je souffre énormément. Dormir la nuit est désormais un luxe pour moi à cause de la douleur est intense et je n’ai rien pour m’acheter ne serait-ce que des calmants. Cet accident que j’ai eu a bouleversé ma vie. Je souffre dans ma chair et dans l’âme. Je souffre de ma jambe et mon cœur saigne car je suis impuissant face à la souffrance de nos deux (02) parents qui sont eux-aussi malade. Je suis marié avec deux enfants. Quand je travaillais, j’arrivais à tout prendre en charge avec la grande sœur. Voilà qu’aujourd’hui, elle se retrouve seule à prendre en charge tous les besoins de la famille. Avec le peu qu’elle gagne, elle fait de son mieux mais c’est difficile de pouvoir être à la hauteur », Adama Sanou raconte son histoire presqu’au bord des larmes. Son amertume tient au fait que la maladie de son père s’est aggravé à cause du retard de l’opération. C’est une poche artificielle qu’il traine désormais pour contenir ses urines.
Le malheur de Adama est bien différent et sans rapport direct avec l’infortune de sa grande sœur Salimata. Mais les liens de sang semblent avoir lié leur sort. Adama qui était le principal pilier de la famille est aujourd’hui à la charge de sa sœur, veuve à la voix inaudible et livrée à une sorte d’indifférence de la société.
Salimata Sanou est ainsi obligée de confier son destin, ceux de ses enfants, de son frère et de ses deux parents malades au commerce quotidien de quelques grains de riz. Elle nourrit la volonté de voir son commerce s’agrandir mais le peu de bénéfices qu’elle fait par jour sert à nourrir ses enfants et sa famille biologique qui est entièrement à sa charge. Situation qui suffit à dire que les revenus de la vente de riz de Salimata servent à faire vivre sa famille au jour le jour. Etre veuve sans emploi et sans héritage n’est pas un fait rare sous nos cieux.
Mais être veuve sans emploi, sans héritage avec des enfants à charge et se retrouver du même coup à porter le fardeau de sa famille d’origine où gisent trois malades qui attendent tous désespérément d’être opérés ; il faut bien s’appeler Salimata Sanou pour tenir toujours debout.
Mais avant toute autre chose, Salimata Sanou lance un cri de cœur aux bonnes volontés pour un quelconque soutien afin d’assurer les besoins alimentaires de la presque dizaine de personnes qui ne tentent pour le moment que de vivre avec la petite table de commerce de riz qu’elle tient. Si rien n’est fait, dit-il, le poids de la faim risque de peser plus lourd que le poids des maladies pour ses trois (03) malades.
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info