spot_img
spot_img
spot_img

Production de fourrage amélioré au Burkina : Ces herbes qui nourrissent mieux les animaux et préviennent les conflits

Le parc de technologies et innovations agricoles (PTIA) de Farako-Bâ est une vitrine de valorisation d’innovations agricoles technologiques. Mis en place en 2021 pour valoriser les résultats de la recherche, ce parc est un creuset de trouvailles de chercheurs burkinabè qui œuvrent pour accroitre la résilience et la productivité des exploitations agrosylvopastorales. Sur le tableau des technologies agricoles mises au point par des chercheurs de l’Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole du Burkina Faso (INERA) auquel est rattaché le parc de Farako-Bâ, on peut constater la présence d’une dizaine de variétés de graminées fourragères issues de diverses espèces. Brachiaria, Panicum maximum, Maralfalfa sont entre autres des noms d’espèces et variétés fourragères déjà bien connues et bien appréciées par des agrosylvopasteurs qui ont déjà expérimenté et adopté leur culture. Zoom sur la culture de fourrage amélioré qui prend du terrain, nourrit mieux le bétail et prévient les conflits entre agriculteurs et éleveur au Burkina Faso.

Pour des questions de pâturage, le Burkina Faso enregistre chaque année plusieurs conflits ouverts parfois sanglants et/ou mortels notamment entre agriculteurs et éleveurs. La réponse ou du moins des esquisses de solution à ces situations récurrentes et persistantes pourrait se trouver au parc de technologies et innovations agricoles (PTIA) de Farako-Bâ qui a mis au point une technologie agricole qui disponibilise du fourrage amélioré pour les animaux. D’ordinaire, quand on parle d’agriculture au Burkina Faso, on peut penser à toutes sortes de cultures sauf celle des herbes. Et pourtant les herbes que beaucoup de producteurs agricoles combattent dans leurs champs sont en train d’être cultivées dans leur version améliorée par d’autres acteurs du monde rural. C’est bel et bien la culture des graminées fourragères améliorées de l’INERA. Longtemps considérée comme une pratique des sociétés occidentales, la culture fourragère est aujourd’hui une réalité au Burkina Faso grâce aux travaux de recherche de chercheurs burkinabè. Et c’est le parc de technologies et innovations agricoles (PTIA) de Farako-Bâ qui, aux côtés d’autres structures nationales de recherche, met de plus en plus cette culture au goût du jour au Burkina Faso et à l’ouest du pays en particulier.

Ces herbes qui nourrissent mieux les animaux et par ricochet, préviennent les conflits entre agriculteurs et éleveurs

En effet, ce parc de référence internationale est le lieu où des producteurs agricoles et éleveurs trouvent de plus en plus de réponses aux problèmes de pâturage qui va croissant au fil des années. Ce site de vulgarisation de trouvailles scientifiques burkinabè et parfois étrangères met à la disposition des éleveurs depuis 2021, du fourrage amélioré aux grandes valeurs nutritives pour les animaux et spécifiquement le bétail. Ce sont plusieurs espèces et variétés de graminées fourragères biotechnologiques que l’on y trouve. Brachiaria (quatre variétés), Panicum Maximum (cinq variétés), Pennisetum (deux variétés), Andropogon Gayanus (une variété) sont les espèces et variétés fourragères en vulgarisation dans le parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ. Les quatre (04) espèces fourragères que l’on y rencontre sont subdivisées en douze (12) variétés fourragères.

A côté de ces espèces, on trouve aussi une variété de mil à double usage. Cette variété céréalière produit en plus des céréales, huit (08) à dix (10) tonnes de paille fourragère par hectare. La paille de cette variété de mil, reste verte pendant longtemps après la récolte. Ces feuilles sont un bon fourrage de grande qualité nutritive pour les animaux selon les spécialistes de la production fourragère du parc de Farako-Bâ.

Quant aux quatre (04) espèces de graminées fourragères, elles ont, chacune, des particularités et des avantages en termes de production. Pour ce qui est de l’espèce Panicum Maximum, c’est une graminée fourragère améliorée qui a une bonne valeur nutritive et une bonne production de biomasse. A compter de sa première récolte, elle reste productive pendant au moins (10) ans. En fonction des variétés, cette espèce fourragère a un rendement qui varie entre 3,5 et 30 tonnes à l’hectare par an. C’est une espèce qui donne près de 500 kilogrammes de grains reproductifs à l’hectare par an. Cette espèce de graminée fourragère résiste aux feux de brousse et à la sécheresse.

Le Brachiaria est aussi une graminée fourragère issue des travaux de recherche de chercheurs de l’INERA. D’un rendement annuel allant de 4,9 à 30 tonnes à l’hectare en fonction des variétés de l’espèce, le Brachiaria a une durée de vie productive qui va de trois (03) à cinq (05) ans. Il produit entre 227 et 334 kilogrammes de grains reproductifs à l’hectare par an et résiste aux feux de brousse et à la sécheresse.

Docteur Étienne Sodré, gestionnaire du parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ

Les deux variétés de l’espèce Pennisetum sont également des graminées fourragères biotechnologiques made in INERA. Elle se reproduisent par bouturage contrairement aux autres qui se reproduisent par semence. C’est de cette espèce qu’est issu la célèbre variété appelée Maralfalfa (Pennisetum Purepureum) prisé par les producteurs. C’est une espèce qui produit entre 10 et 20 tonnes à l’hectare par récolte. Avec une capacité de régénérescence rapide, le Maralfalfa peut produire environ cinq cents (500) tonnes de fourrage par an à l’hectare. En plus de ce fort rendement, il a, selon les spécialistes, une bonne production de biomasse et une bonne valeur nutritive pour les animaux. Une fois piqué, le Pennisetum notamment le Maralfalfa peut produire pendant plus de quinze sans avoir besoin d’être repiqué.

Dans le parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ, on compte aussi avec l’espèce fourragère Andropogon Gayanus. D’une pérennité de plus de quinze (15) ans, cette graminée fourragère résistante aux feux de brousse et à la sécheresse produit entre dix (10) et vingt (20) tonnes de fourrage à l’hectare par an. Comme les autres graminées présentes dans le parc, l’Andropogon Gayanus a une bonne biomasse et une bonne valeur nutritive.

Toutes ces graminées fourragères améliorées en vulgarisation dans le parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ sont l’œuvre de plusieurs chercheurs burkinabè de l’INERA notamment Docteur Nouhoun Zampaligré, Docteur Etienne Sodré, Docteur Souleymane Ouédraogo et Docteur Youssoufou Sana.

Ces chercheurs sont pour la plupart des spécialistes en production fourragère. Gestionnaire du parc de technologies et innovations de Farako-Bâ, Docteur Etienne Sodré explique leur intérêt pour la production fourragère par plusieurs raisons et objectifs à atteindre.

Docteur Étienne Sodré explique les caractéristiques et les avantages des graminées fourragères vulgarisées par le parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ qu’il dirige

La production de fourrage, solution pour une meilleure production laitière et une embouche de qualité à moindre coût

Selon Docteur Étienne Sodré, agropastoraliste, spécialiste en agriculture intelligente face au climat, la production fourragère est une pratique qui existe depuis longtemps dans des centres de recherche scientifique et technologique du Burkina. C’est son adoption par les éleveurs et autres acteurs agro-sylvo-pastoraux qui est timide.

La mise en place du parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ répond ainsi, dit-il, au besoin de vulgarisation des trouvailles des chercheurs burkinabè qui mourraient de leur belle mort dans les tiroirs des instances politiques décisionnelles. C’est dans les arcanes de ces vision et volonté que les responsables du parc ont intégré la vulgarisation de plusieurs espèces et variétés de graminées fourragères améliorées.

Gestionnaire du parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ, Docteur Étienne Sodré voit dans cette dynamique de vulgarisation des graminées fourragères améliorées mis au point par des chercheurs de l’INERA, une recherche d’indépendance du secteur de l’élevage burkinabè vis-à-vis des aléas climatiques. Le chercheur situe l’intérêt de l’adoption de la culture fourragère par les agro-sylvo-pasteurs à plusieurs niveaux.

En effet, le fourrage amélioré offre l’opportunité aux éleveurs d’avoir de l’aliment de bonne valeur nutritive avérée pour leur bétail. Ces valeurs nutritives leur permettent de faire un élevage utile c’est-à-dire plus rentable. Avec une superficie de production de fourrage à la disposition d’un éleveur, plus besoin de transhumance. Les animaux restent sur place et se nourrissent avec du fourrage aux valeurs nutritives plus élevées que le pâturage naturel. Toute chose qui facilite l’engraissement des animaux et favorise une forte production laitière.

Boureima Sidibé dans son champ de graminées fourragère

Ces propos du chercheur sont confirmés par Boureima Sidibé, agropasteur et producteur de lait basé à Lèna à une cinquantaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Pour lui, le fourrage amélioré issu de l’INERA notamment les espèces Panicum Maximum et Brachiaria sont une bénédiction pour l’avenir de l’élevage au Burkina Faso et dans tout le sahel africain. Ayant adopté la culture fourragère de l’INERA depuis 2019, il est plus que satisfait des résultats bien qu’il soit encore confronté à un problème de source permanente d’eau pour la production en saison sèche.

« Quand j’ai entendu parler de la culture fourragère, j’ai décidé d’aller vers l’INERA pour mieux m’informer. Quand j’y suis arrivé, j’ai été accueilli par un des chercheurs spécialistes de la production fourragère. Il m’a proposé les différentes espèces qu’ils ont mises en place et leurs avantages. Il m’a ensuite donné gracieusement les grains d’une variété et m’a expliqué l’itinéraire technique. C’est ainsi que j’ai opté pour la production fourragère en 2019. J’avoue que les premières expériences m’ont plus que satisfait. Ce qui m’a amené à diversifier les espèces et aujourd’hui j’ai au moins un hectare de production de graminées fourragères améliorées. Depuis que j’utilise ces espèces de fourrages améliorés pour l’alimentation de mes animaux, je vous assure que les vaches qui me donnaient en moyenne un (01) litre de lait par jour sont passées à quatre (04) litres de lait par jour. J’arrive aussi à engraisser facilement et rapidement mes taureaux pour l’embouche ». C’est le témoignage de Boureima Sidibé qui ne jure désormais que par les graminées fourragères améliorées pour l’alimentation de son bétail.

Bassirou Diallo, agropasteur basé à Yéguéresso

Bassirou Diallo est un autre éleveur basé à Yéguéresso à une dizaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Il produit le fourrage pour l’alimentation de ses animaux il y a au moins trois (03) ans. Le Maralfalfa est la variété de graminées fourragères qu’il produit le plus pour son rendement et sa rapidité dans la régénération après la fauche. Pour lui, la production fourragère est une heureuse alternative à la transhumance des animaux. « Avec le fourrage que l’INERA met à notre disposition, l’embouche comme la production laitière devient facile et plus rentable. Quand j’ai commencé à alimenter mes vaches avec le fourrage amélioré, j’ai adhéré une coopérative de producteurs de lait car mes vaches ont multiplié leur capacité de production laitière. Avec la production fourragère aussi, on n’a plus besoin de berger. On nourrit les animaux sur place. Ce qui amoindrit le coût de l’élevage. Avec la rareté des terres, les éleveurs allaient vers une impasse en termes de pâturage. Il y a aussi que la production fourragère réduit l’exposition aux risques de l’insécurité que traverse le pays”, Bassirou Diallo énumère-t-il ce qu’il appelle “les merveilles fourrage amélioré ».

La culture fourragère pour un élevage sensible aux conflits entre agriculteurs et éleveurs

Pour les spécialistes de la culture fourragère, cette pratique pourrait être une alternative aux nombreux conflits entre les éleveurs et les agriculteurs. Les conflits trouvent généralement leurs sources dans le pâturage itinérant. C’est à la recherche de pâturage en effet, que les animaux des bergers débordent souvent dans les champs des producteurs pour causer des dégâts.  Mais la production fourragère favorise un élevage sédentaire. Ce qui permet de contrôler les mouvements des animaux.

En plus d’éviter les conflits avec les agriculteurs, l’élevage sédentaire présente d’autres avantages expérimentés par Boureima Sidibé de Lèna. Pour lui, quand les animaux sont nourris sur place avec du fourrage issu de culture fourragère, ça évite effectivement les conflits mais ça évite aussi aux animaux les maladies et les risques d’intoxication. Ça permet aussi selon lui de mieux contrôler la croissance des animaux.

Pour Boureima Sidibé, si les animaux sont canalisés et bien alimentés avec le fourrage amélioré, il y a des avantages pour l’éleveur

Pour Boureima Sidibé, si les animaux sont canalisés et bien alimentés avec le fourrage amélioré, il y a l’avantage pour l’éleveur de bénéficier de la bouse abondante pour la fertilisation des sols à des fins agricoles. Au lieu que l’élevage crée un fossé entre agriculteurs et éleveurs, il peut être, estime-t-il, un trait d’union entre ces deux principaux acteurs du monde rural. Avec beaucoup d’excréments d’animaux, l’éleveur peut être le fournisseur de l’agriculteur qui a toujours besoin d’engrais organique pour sa production agricole quelle qu’elle soit. La culture fourragère est donc vue comme une pratique qui peut faire évoluer les rapports conflictuels entre agriculteurs et pasteurs vers un harmonieux tandem pour le bonheur des consommateurs des produits agropastoraux.

Et à Bassirou Diallo de Yéguéresso d’ajouter qu’ « au lieu d’emmerder son voisin avec ses animaux à la recherche de pâturage, on peut bien lui être utile et indispensable avec les déchets d’animaux qui l’aideront à fertiliser ses champs. Comme ça, il ne peut avoir de conflits. Mais cela n’est possible que par la production fourragère ».

Le fourrage broyé par une machine en vue de sa conservation par Bassirou Diallo

Timbi Daouda Bouda est un agrosylvopasteur basé à Kotédougou à une dizaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Il produit le Panicum et le Maralfalfa made in INERA pour l’alimentation de ses bovins et caprins. Pour lui, la production fourragère est une bonne alternative pour juguler les conflits entre les pasteurs et les producteurs agricoles. « C’est généralement le manque de pâturage qui entraine les conflits entre agriculteurs et éleveurs. C’est la recherche du pâturage qui conduit à ces conflits. Mais s’il y a du fourrage sur place, l’éleveur n’a plus besoin d’aller au pâturage. Il garde les animaux sur place et les nourrit avec le fourrage de plus grande valeur nutritive qu’il produit. Ça fait moins de problèmes », estime Timbi Daouda Bouda. Ce dernier prône ainsi une vulgarisation de la technologie par la sensibilisation et la formation des éleveurs.

« Pour moi la production fourragère est une bonne pratique qui doit être vulgarisée. Mais est-ce que les éleveurs connaissent même la technologie ? Il faut donc qu’on les forme et leur donner ensuite les semences avec de l’accompagnement et il n’y aura plus de conflits entre agriculteurs et éleveurs. J’insiste sur la formation car je n’ai jamais vu un profane qui a réussi la production fourragère. Moi qui vous parle, je me suis bien formé avant de me lancer dans la production fourragère », c’est la solution de Timbi Daouda Bouda pour espérer une fin des conflits entre agriculteurs et éleveurs.

La production fourragère : l’expérience des pionniers entre avantages, défis et résilience

La production fourragère prend du terrain à l’ouest du Burkina notamment dans la zone de Bobo-Dioulasso. Le parc de technologies et innovations agricoles de Farako-Bâ assure la vulgarisation de cette culture auprès de producteurs agropastoraux depuis sa mise en place en 2021. Une technologie agropastorale qui ne tarde pas à séduire des agrosylvopasteurs. Ils l’expérimentent bien et certains l’ont déjà adopté. Agropasteur et producteur de lait basé à Lèna, Boureima Sidibé est un bel exemple dans l’implémentation de cette technologie. Il dispose d’environ trois (03) hectares d’exploitation fourragère dont un demi hectare de graminées fourragères améliorées issues de INERA. Grâce à la technologie, il nourrit mieux ses animaux.

Un stock de fourrage en conservation chez Boureima Sidibé pour la saison sèche

« Depuis que j’ai adopté la culture fourragère, je fais un élevage utile. Les espèces et variétés de fourrages de l’INERA que je produis sont de valeurs nutritives remarquables. On n’a plus forcément besoin de promener les animaux. Ils peuvent rester sur place et être mieux nourris. Par exemple mes vaches de race locale me donnaient en moyenne un (01) litre de lait chacune et par jour. Mais depuis que je les nourris avec le fourrage de l’INERA, elles vont chacune jusqu’à quatre (04) litres de lait par jour. Pour l’embouche, j’utilise le Brachiaria, le panicum maximum et le panicum minimum. Ça engraisse bien les taureaux à moindre coût, sans grands efforts et sans provoquer de conflits pour des questions de pâturage. Je pense que les avantages de la production du fourrage amélioré ne peuvent être expliqué de manière exhaustive. J’invite mes pairs éleveurs à faire comme moi et ils ne le regretteront pas », récit de Boureima Sidibé sur sa belle expérience de la production fourragère.

Il estime par ailleurs qu’avec cette technologie, il ne devrait plus avoir de conflits entre un agriculteur et un éleveur pour des questions de pâturage. Avec la production fourragère, Boureima Sidibé est convaincu que c’est une réinvention des méthodes pastorales sahéliennes pour un élevage plus utile avec des produits dérivés plus sains.

Bassirou Diallo est basé à Yéguéresso. Agropasteur, il est passé maître dans la production fourragère après quelques années d’expérimentation. Avec le fourrage amélioré qu’il produit, il n’a plus besoin d’attendre la saison d’hivernage pour espérer engraisser des bœufs pour l’embouche.

« La production fourragère est une alternative au pâturage itinérant. Ça évite non seulement des problèmes comme les conflits avec les producteurs agricoles mais préserve aussi les éleveurs des dangers de l’insécurité actuelle que connait le pays. Qu’à cela ne tienne, il est de plus en plus difficile d’avoir des enfants bergers car tous les enfants vont à l’école. Le véritable problème est la rareté des terres qui fait qu’il manque de plus en plus de pâturage naturel. Si on doit donc continuer à promener les animaux, les conflits vont se multiplier entre les éleveurs et les producteurs agricoles. Ce qui ne serait pas bien surtout dans le contexte actuel du Burkina où on a besoin de paix », appréciation de Bassirou Diallo de Yéguéresso sur la technologie agricole de l’INERA qui nourrit mieux les animaux.

Le producteur fourrager a même déjà installé une machine de broyage de certaines des espèces fourragères qu’il produit notamment le Maralfalfa (Pennisetum). L’objectif est de faciliter la conservation du fourrage par la technique de l’ensilage (méthode qui permet de conserver la verdure et tous les nutriments du fourrage pendant un long moment).

Bassirou Diallo en pleine activité de broyage du fourrage pour la conservation

Bassirour Diallo est ainsi contraint à l’utilisation de cette méthode car il lui est difficile de produire en sèche par manque de source permanente d’eau. C’est d’ailleurs le défi majeur de plusieurs producteurs fourragers puisque Boureima Sidibé de Lèna est confronté à la même difficulté. Pour cela, ils sont toujours dans une phase de transition vers un élevage exclusivement sédentaire. Selon les deux producteurs, leurs troupeaux se contentent du pâturage naturel en saison d’hivernage et sont alimentés par le fourrage amélioré qu’ils conservent de leurs productions de saison des pluies. Par manque de source d’eau pérenne, leurs productions fourragères sont encore saisonnières et tributaires des aléas climatiques.

Dans l’optique de basculer totalement dans l’alimentation exclusive de leurs animaux par le fourrage amélioré, les deux producteurs nourrissent un rêve commun : celui d’avoir des sources permanentes d’eau pour l’irrigation en saison sèche. Ainsi, ils pourront sédentariser leurs troupeaux toute l’année sans avoir un problème de fourrage. Ils estiment que cette méthode leur permettra de fournir moins d’efforts et gagner plus.

Tellement séduit par la technologie du fourrage amélioré mis au point par des chercheurs de l’INERA, Boureima Sidibé est lui-même en train d’expérimenter une espèce fourragère naturelle à la tige sucrée. « Vous voyez cette plante fourragère. Elle ressemble aux tiges de mil mais elle est différente. Ses tiges sont sucrées et prisées par les animaux. Les hommes même en mangent comme la canne à sucre. Je suis tenté de dire que c’est plus sucré que la canne à sucre. J’ai essayé d’engraisser exclusivement un taureau avec et j’ai été agréablement surpris des résultats. En quelques temps, je me suis retrouvé avec un taureau qui débordait de poids et le l’ai vendu plutôt que prévu. Je suis en contact avec un chercheur spécialiste de fourrage amélioré pour qu’il essaie d’étudier la plante voir dans quelle mesure la biotechnologie peut aider à augmenter ses valeurs nutritives afin de la mettre à la disposition des producteurs fourragers. Ça pourrait être un plus pour les éleveurs en termes de fourrage amélioré », Boureima Sidibé démontre-t-il son intérêt pour la production du fourrage issu de la biotechnologie.

“La production fourragère donnera un visage plus respectueux et plus responsable au métier d’éleveur au Burkina Faso

Quant à Bassirou Diallo, il est actuellement face à des difficultés liées à son espace de production fourragère. N’étant pas propriétaire terrien, il a reçu une mise en demeure de la part des propriétaires terriens de rendre les terres sur lesquelles il produit environ un (01) hectare de fourrage amélioré. En désespoir de cause, il décide de squatter une partie de la ferme de son oncle pour poursuivre sa production fourragère. Il entend libérer le terrain qu’il exploitait pour désormais exploiter la ferme de son oncle pour ses activités de production agropastorale. Mieux, il envisage un forage dans la ferme pour pouvoir produire de façon permanente le fourrage. « Vu que le problème de terres se pose avec acuité, je pense que la solution durable, c’est l’adoption de la production fourragère pour l’élevage. C’est pourquoi, j’envisage un forage dans la ferme pour une production pérenne afin de ne plus dépendre du pâturage naturel. Ça donnera un visage plus respectueux et plus responsable au métier d’éleveur au Burkina Faso », l’agropasteur résilient promet-il, en termes de perspectives, de focaliser bientôt son élevage sur l’utilisation exclusive du fourrage biotechnologique de l’INERA.

Bassirou Diallo fait broyer le Maralfalfa pour sa conservation pour la saison sèche car il n’a pas encore de source d’eau permanente

La réalité de Timbi Daouda Bouda dans la production fourragère pour son bétail est différente de celles de Boureima Sidibé et de Bassirou Diallo. Lui dispose d’une source d’eau pour sa production fourragère en tout temps. Il a commencé la production du Panicum et du Maralfalfa il y a quelques années et cela par manque d’aliments pour son bétail. « Je suis dans l’élevage des bovins et des caprins. J’ai eu à un moment donné des difficultés d’alimentation sachant que le fourrage constitue 70% de l’alimentation des animaux. J’ai commencé par payer mais en plus d’être coûteux, c’était difficile d’avoir le foin en quantité et en qualité. J’ai décidé moi-même de produire. J’ai commencé par le Panicum et plus tard j’ai ajouté le Maralfalfa. Ça me fait maintenant trois (03) ans que je nourris mes animaux avec les graminées fourragères améliorées de l’INERA que je produis moi-même », l’agrosylvopasteur explique comment il est arrivé dans la production fourragère.

Il est d’ores et déjà plus que satisfait des résultats de son initiative. « Le fourrage de l’INERA, c’est de l’herbe étudiée et c’est différent de l’herbe que les animaux broutent dans la nature et qui sont souvent chargées d’herbicides et d’engrais. En plus de cela, la production fourragère permet d’avoir du foin frais pendant la saison sèche. Ce qui permet d’augmenter la capacité de production laitière des vaches. En termes de coût de production, c’est moins coûteux. Comme autre avantage de la production fourragère, c’est le fait que c’est une alternative susceptible d’éviter ou de prévenir les conflits entre agriculteurs et éleveurs. C’est donc une culture très bénéfique », témoignage de Timbi Daouda Bouda sur les avantages de la production du fourrage amélioré de l’INERA.

Dans le souci d’étendre sa production sur toute l’année, Timbi Daouda Bouda réalisé deux (02) forages pour l’irrigation de ses parcelles de fourrage amélioré à Kotédougou. Il en produit aussi dans la vallée de Samendeni. « J’ai deux (02) forages qui me servent de source d’eau pour l’irrigation en saison sèche. J’ai un demi-hectare de Maralfalfa et un demi-hectare de Panicum. Ça me permet de bien alimenter mes animaux avec du foin vert pendant toute l’année sans souci », l’agrosylvopasteur fait-il des précisions sur la technologie qui facilite son élevage.

Du reste, Bassirou Diallo estime qu’au-delà de l’intérêt de la culture du fourrage amélioré par les éleveurs pour nourrir leur bétail sur place, ce sont des opportunités d’emplois qui se cachent aussi derrière cette activité. « Je pense que les jeunes qui ont des sources d’eau permanentes peuvent en faire une activité. Ils peuvent être des producteurs fourragers professionnels et ça va marcher car la tendance est à l’adoption du fourrage amélioré pour l’élevage. Si les gens vendent les herbes naturelles qu’ils partent faucher en brousse, ce n’est pas du fourrage amélioré qui va manquer de clients surtout que beaucoup d’éleveurs n’ont pas de terres pour faire la production fourragère même s’ils affichent la volonté », Bassirou Diallo annonce-t-il les prémices d’un métier d’avenir pour les jeunes.

Docteur Etienne Sodré : « L’adoption de la culture fourragère par les différents acteurs peut contribuer à réduire la concurrence alimentaire entre la consommation humaine et la consommation animale des céréales ».

Et au docteur Etienne Sodré de lever un coin de voile sur un autre avantage non négligeable de la production fourragère. Pour lui, l’adoption de la culture fourragère par les différents acteurs peut contribuer à réduire la concurrence alimentaire entre la consommation humaine et la consommation animale des céréales. Le spécialiste estime que si les animaux ont du fourrage aux grandes valeurs nutritives, leur consommation en céréales va considérablement baisser au profit de la consommation humaine. C’est une situation qui peut contribuer à faire face aux défis alimentaires récurrents que connait le Burkina Faso.

Ainsi donc la gamme de variétés de graminées fourragères améliorées aux grandes valeurs nutritives avérées mises au point par des chercheurs de l’INERA présente une preuve de ce que la recherche burkinabè regorge d’éminents scientifiques qui cherchent et qui trouvent. Leurs trouvailles ont juste besoin d’être accompagnées, vulgarisées et adoptées par les bénéficiaires.

En attendant que d’autres technologies agricoles innovantes burkinabè se fassent connaitre, les graminées fourragères améliorées de l’INERA quant à elles, font déjà émules dans un cercle restreint du milieu agros-ylvo-pastoral burkinabè comptant encore sur le temps pour être définitivement et irréversiblement adoptées par tous les acteurs pour un élevage plus utile, plus sain et sans conflits.

Abdoulaye Tiénon/Ouest Info

La rédaction
La rédaction
Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici
Captcha verification failed!
Le score de l'utilisateur captcha a échoué. Contactez nous s'il vous plait!

spot_img

Autres Articles

Burkina/RECIS : C’est parti pour la 3è édition

La 3ème édition des Rencontres cinématographiques de Sya (RECIS) a officiellement ouvert ses portes dans l'après-midi de ce mardi 12 novembre 2024 à Bobo-Dioulasso....

Bobo-Dioulasso : Polémique autour de la rénovation du théâtre de l’Amitié

La rénovation du théâtre de l’Amitié de Bobo-Dioulasso fait bruit dans la ville, notamment sur les réseaux sociaux.Jadis dans un état de dégradation avancée,...

Burkina/Matourkou : L’ONG Direct-Aid renforce la résilience des réfugiés par un forage et des bassins piscicoles

L’ONG Direct-Aid a réalisé un forage accompagné de bassins piscicoles dans un périmètre d’exploitation maraichère de réfugiés dans le village de Matourkou à quelques...

Autres Articles