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Moussa Zerbo, acteur de l’insurrection populaire de 2014 : « Oui, l’insurrection populaire a apporté quelque chose au Burkina »

Responsable des partis de l’opposition du Houet (RPOH) en 2014, Moussa Zerbo a travaillé en synergie avec les organisations de la société civile (OSC) de Bobo-Dioulasso jusqu’à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Dix (10) ans après cette insurrection qui a mis fin au règne de l’ancien président Blaise Compaoré, Moussa Zerbo ne regrette pas d’être sorti dans les rues et se dit même prêt à sortir à nouveau si c’était à refaire.

Ouest Info : Cela fait déjà 10 ans que les Burkinabè se sont mobilisés pour mettre fin au régime de Blaise Compaoré. Qu’avez-vous à dire à propos de ces évènements, 10 ans après.

Moussa Zerbo : Je dirais qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite.  Il y a eu beaucoup de dérives aussi dans la conduite de cette insurrection. C’est le lieu pour moi de présenter mes sincères condoléances aux familles de nos camarades qui sont tombés.  Je souhaite également un prompt rétablissement à tous nos camarades qui portent les stigmates de cette insurrection jusqu’à présent.

Il y a des familles innocentes qui ont connu des dégâts matériels, certaines ont même vu leurs domiciles incendiés. Tout ça, ce sont des dérives aussi qu’il faut reconnaître et je pense que c’est le lieu vraiment que chacun puisse comprendre qu’on n’avait pas aussi besoin d’aller à ces excès.

Ouest Info : De 2014 à aujourd’hui, qu’est-ce qui a véritablement changé dans la vie de la nation selon vous ? Autrement dit, l’insurrection populaire a-t-elle apporté quelque chose au Burkina Faso ?

Moussa Zerbo : Oui. L’insurrection populaire a apporté quelque chose au Burkina. En ce sens qu’il y a eu ce qu’on appelle une prise de conscience du peuple qui a compris que c’est lui le véritable détenteur du pouvoir. Avec les mains nues, on a vu des gens qui ont résisté devant les armes et les manigances de l’extérieur en vue de déstabiliser la lutte. Mais le peuple s’est montré ferme.   C’est sa volonté qui compte et le peuple a su le démontrer. Également, cela s’est répercuté au niveau de la résistance victorieuse face au putsch de 2015 et après, il y a en a eu d’autres événements, et même de plus récent que je me garde de citer, qui montrent que le peuple est jaloux de sa souveraineté.   

Pour nous, ce sont des acquis de l’insurrection populaire. Cette prise de conscience, qui a consisté à s’insurger et à combattre, se sent toujours du côté des populations. Même la mobilisation des VDP aujourd’hui, c’est la même jeunesse.  Cette même jeunesse qui avait mené l’insurrection populaire, il ne faut pas l’oublier. La mobilisation pour l’effort de guerre aujourd’hui, ce sont encore ces mêmes jeunes qui fermaient leurs boutiques et leurs magasins du secteur informel comme du secteur privé pour rejoindre les manifestations. C’est cette même jeunesse aujourd’hui qui s’est mobilisée et qui participe à l’effort de guerre sous toutes ses formes dans la défense de la patrie. C’est l’avantage de l’insurrection, ça il faut le dire. L’attachement de la jeunesse à la justice et sa liberté est aussi un acquis de l’insurrection populaire.

Voilà un peu ce qu’on peut dire par rapport à l’apport de l’insurrection populaire au Burkina Faso. En résumé, il s’agit essentiellement de la prise de conscience de la population, la jeunesse notamment qui a compris que c’est lui qui détient le véritable pouvoir et que personne d’autre ne peut l’influencer, même avec des armes. Avec les mains nues, ils ont réussi à déstabiliser un pouvoir qui ne répondait pas à leurs attentes. Les acquis de l’insurrection populaire sont donc là. Le sentiment de patriotisme de la jeunesse surtout. C’est cette même jeunesse qui continue aujourd’hui d’assurer ce qu’on appelle la veille citoyenne.

Ouest Info : Avec la situation actuelle du Burkina Faso, si l’histoire devait se répéter, seriez-vous prêt à ressortir dans les rues comme en 2014 ?

Moussa Zerbo : Oui.  Si c’était à refaire mois je suis prêt à ressortir parce que les valeurs pour lesquelles les burkinabè sont sortis sont intemporelles, comme l’a dit docteur Zépherin Diabré chef de file de l’opposition politique de l’époque.

Les valeurs de patriotisme, la démocratie, la justice, la bonne gouvernance sont des valeurs qui demeurent à tout moment. Ce ne sont donc pas des valeurs qui passent selon le moment. Je serai donc prêt à sortir à nouveau dans la rue.

Les camarades qui sont morts ou qui sont blessés, si on leur donnait la parole aujourd’hui, peut-être qu’ils allaient dire qu’ils ne seraient peut-être pas prêts à refaire les sacrifices. Mais avec juste raison quand on voit ce qui a suivi après.

Ouest Info : Vous ne regrettez donc pas l’insurrection populaire ?

Moussa Zerbo : Des regrets, non pas du tout. Je ne regrette pas l’insurrection populaire.  Mais les faits qui ont suivi après, oui parce que les lignes tracées par l’insurrection n’ont pas été suivies et c’est ce qu’on devrait peut-être regretter. Je veux parler des acquis de l’insurrection.  Ça n’a pas été ce qu’on attendait et c’est tout ce qui a amené les problèmes que nous connaissons.

Ouest Info : Qu’est ce qui n’a pas marché dans la période post-insurrection ?

Moussa Zerbo : Après l’insurrection, on devrait s’attendre logiquement à une gouvernance vertueuse, avoir ce qu’on appelle la transparence dans la gestion. On devrait impliquer le peuple, le mobiliser au lieu de ça, vous savez le reste.  Je ne regrette pas l’insurrection populaire mais plutôt l’après insurrection qui n’a pas été trop ça et ça nous a amené des situations que nous connaissons.

Les gens pensent qu’on doit regretter l’insurrection. Je pense qu’on ne doit pas regretter puisque l’insurrection a eu un aspect aussi positif qu’on le veuille ou pas :  la prise de conscience du peuple par exemple. Aujourd’hui, c’est une chose qui est indéniable que le peuple comprenne que c’est lui le pouvoir et que le dernier mot lui revient. On ne peut donc pas le téléguider de l’extérieur. Ça, ce sont des acquis et ce sont des choses qu’on doit avoir à l’esprit.  Moi je pense donc qu’on n’a pas à regretter.

Ouest Info : Un dernier mot ?

Moussa Zerbo : Merci de nous avoir donné la parole

Interview réalisée en lige par MB/Ouest Info

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

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