Harouna Traoré. C’est le nom de l’enseignant dont le taux de 0% au Certificat d’Études Primaires (CEP) à l’école primaire publique Mahon B a fait les choux gras des médias et des réseaux sociaux en 2017. Sept (07) ans après cette mésaventure, l’enseignant n’a rien perdu de sa sérénité. Mieux, il reste gonflé à bloc car il a fait un sacre de 100% au CEP à l’école primaire publique Samogohiri A en 2023. A sa rencontre dans la journée du samedi 18 janvier 2025, le professeur certifié des écoles revient sur son incident de parcours professionnel à l’école Mahon B et sa remontada à l’école Samogohiri A, toutes deux situées dans la province du Kénédougou.
En fin d’année scolaire 2016-2017, son nom a fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Son image et son professionnalisme sont alors tournés en dérision. Les procès d’intention ont fusé de partout. Il était devenu malgré lui la risée de tous. Mais il savait qui il était et n’a de ce fait pas courbé l’échine. Dans un sang froid sans nul autre pareil, il a montré quelques années plus tard, de quoi il est capable. Ne dit-on pas que « la vengeance est un plat qui se mange froid ».
Mais lui a préféré laisser la patience l’aider à préparer sa revanche sur son incident de parcours professionnel. Lui, c’est Harouna Traoré, cet enseignant devenu une star malgré lui en 2017 après les résultats du Certificat d’Etudes Primaires (CEP). Les 46 candidats qu’il a présenté à l’examen du CEP ont tous échoué. Il réalise ainsi un taux de 0%. Ce qui n’est pas rare au Burkina Faso. Mais Harouna Traoré semble être tombé au mauvais endroit et au mauvais moment.
Les dessous de l’affaire 0% au CEP à l’école primaire Mahon B en 2017
Harouna Traoré est arrivé à l’école primaire publique Mahon B à la rentrée scolaire 2014-2015. Il lui tombe dans les bras une classe de CE2. Il évalue le niveau des élèves de cette classe et se rend compte que la classe a des lacunes à tous les niveaux. Il attire l’attention du directeur de l’école. Ce dernier le motive à garder la classe et faire le tout pour le tout pour remonter la pente. Harouna Traoré y met du sien. Le niveau des 46 élèves a du mal à évoluer. « Je pouvais passer toute une soirée dans la classe jusqu’à 19 heures souvent avec seulement deux phrases qu’aucun élève de la promotion n’arrive à déchiffrer », se souvient Harouna Traoré.
Malgré que le niveau des élèves ne s’améliore pas, l’enseignant n’a pas baissé les bras. Il a redoublé d’efforts pour monter avec la promotion au CM2. Comme si le manque de niveau des élèves ne suffisait pas, un évènement perturbateur des cours s’invite dans l’aventure. Au cours de cette année scolaire, un phénomène qui fait quotidiennement tomber les élèves en transe, apparait. Ce facteur extérieur est venu compliquer la tâche à Harouna Traoré. Il reste quand même de marbre et fait ce qu’il peut. Au résultat de l’examen, un taux de 0% est enregistré. Harouna Traoré est pris comme le bouc-émissaire de ce taux. « Quand les résultats de 0% ont été communiqués, il y a un homme influent natif du village qui a voulu y voir clair. C’est d’ailleurs ce qui a ébruité l’affaire qui a pris une ampleur nationale. Une rencontre a été organisée avec les directrices régionales et provinciales de l’éducation, les encadreurs et les parents d’élèves pour qu’une explication soit trouvée à ce résultat. Chacun s’est expliqué et on a voulu me faire porter le chapeau. Je ne l’ai pas accepté car je ne me reconnaissais pas dans ce résultat. J’ai refusé cela car je sais qui je suis et ce dont je suis capable. J’ai tout simplement hérité d’une situation peu souhaitable. Après cette rencontre, ils sont même allés jusqu’à sonder les élèves et ils ont finalement compris que ce n’était pas moi le problème. Mais malheureusement l’information était déjà partie loin avec mon nom. J’avoue que dans cette situation, j’ai bénéficié du soutien de mes collègues et des encadreurs », Harouna Traoré explique comment le taux de 0% au CEP à Mahon B en 2017 est-il arrivé et comment cela a fait jaser l’opinion.
De 0% au CEP en 2017 à 100% en 2023, l’incroyable remontada de Harouna Traoré
Après l’épisode des 0% au CEP à Mahon B, Harouna Traoré a demandé une affectation pour rejoindre son village d’origine où son père souffrant avait besoin de sa présence. Une affectation vite accordée. L’enseignant doit faire face aux ragots dans son propres village. « Quand je suis arrivé à Samogohiri, les gens se plaignaient du fait que c’est parce que je ne suis pas compétent qu’on m’a affecté dans mon propre village. J’y ai trouvé des collègues qui me connaissaient déjà. Ils m’ont défendu et soutenu. Personnellement je n’ai jamais répondu aux médisances, aux calomnies et aux critiques malveillantes. Je savais ce que je valais. Mon parcours professionnel antérieur à Mahon B ne présentait pas un tableau noir. A Ouolonkoto dans la commune de Kangala, j’ai eu à faire plus de 50% au CEP et à Songolo dans la commune de Koloko, j’ai eu à faire un taux de plus de 97% au CEP. Avec ce parcours, je savais qu’avec ce qui est arrivé à Mahon B, j’ai tout simplement été au mauvais endroit et au mauvais moment », Harouna Traoré lève ainsi un coin de voile sur son background pour se donner de bonnes raisons de rester debout dans sa mission d’enseignant malgré ce qui aurait pu briser sa carrière.
A son arrivée à l’école primaire publique Samogohiri A, l’enseignant demande à tenir une classe de CP1. Le directeur de l’école accède à sa demande. De la rentrée scolaire 2017-2018, il monte avec cette promotion de 54 élèves jusqu’au CM2 en 2023. Avec ces élèves qui sont ses propres produits, il réalise un taux de 100% et réduit à qui a ses détracteurs. Harouna Traoré prend ainsi une revanche sur son incident de parcours professionnel et marche aujourd’hui la tête haute. A travers ce résultat, il a déconstruit les préjugés autour de sa personne par rapport au taux de Mahon B.
Après son sacre en 2023 à l’école primaire publique Samogohiri A, il a reçu une attestation de reconnaissance du directeur provincial de l’enseignement de base du Kénédougou. « Après mes 100% de 2023 au CEP, je suis reparti au CP1 dans la même école pour remonter avec une autre promotion que je conduirai encore au CM2 si le temps et les circonstances me le permettent », l’enseignant quinquagénaire montre sa volonté d’inscrire son nom en lettre d’or dans les annales de l’éducation de la province du Kénédougou où il sert depuis le début de sa carrière en 2006. Il souhaite finir sa carrière de la plus belle des manières afin d’aller à la retraite avec la conscience tranquille.
Du reste, Harouna Traoré invite ses collègues enseignants à prendre leur métier au sérieux pour une éducation de qualité. Il lance aussi un appel aux élèves, aux parents d’élèves et aux autres acteurs de l’éducation à ce que chacun joue pleinement son rôle afin de former des burkinabè modèles capables de construire un Burkina Faso de nos vœux.
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info