La drépanocytose est une maladie héréditaire de sang. C’est une maladie qui affecte les globules rouges. Transmissible aux enfants par des parents drépanocytaires ou porteurs de traits drépanocytaires, cette maladie se manifeste par une fréquence d’anémie, de crises douloureuses et provoque parfois des infections. C’est une des rares maladies qui n’épargne aucune partie de l’organisme du patient. La drépanocytose est présente au Burkina Faso et touche plusieurs personnes. Si certains n’ont que les traits de la maladie, d’autres par contre sont des drépanocytaires de types SS ou SC qui sont les formes les plus graves du mal. Selon une étude du ministère de la santé avec l’appui de la Principauté de Monaco réalisée entre 2019 et 2020, 4,63% de la population nationale du Burkina est drépanocytaire SS et SC. Lutter contre cette maladie, sensibiliser et informer les drépanocytaires et leurs parents mais aussi des communautés sur la prise en charge des crises drépanocytaires sont les principales missions du Centre d’Initiatives contre la Drépanocytose (CID) au Burkina. Dramane Banaon est le coordonnateur national de cette association. Dans cette interview, il lève un coin de voile sur les missions et les efforts du Centre d’Initiatives contre la Drépanocytose (CID) ; le taux de prévalence de la maladie au niveau national ; les moyens de lutte et les difficultés auxquelles l’association fait face.
Ouest Info : Présentez-nous le Centre d’Initiatives contre la Drépanocytose.
Dramane Banaon : Le Centre d’Initiatives contre la Drépanocytose (CID) est une association de droit burkinabè qui a vu le jour en 2006. Son objectif est de développer le plaidoyer auprès des autorités et des communautés pour renforcer la lutte contre la drépanocytose. Le CID se veut aussi un centre d’information, de formation et d’éducation sur la drépanocytose. Dans son plan d’action, l’association entend sensibiliser également l’opinion publique pour une meilleure acceptation et prise en charge sociale du drépanocytaire. En outre, l’organisation soutient toutes initiatives de lutte contre la drépanocytose aux plans national et international. Le CID promeut enfin le leadership associatif dans la mobilisation sociale contre la drépanocytose. Il compte aujourd’hui douze (12) antennes régionales au Burkina Faso.
Ouest Info : En tant qu’association qui milite pour la prise en charge des personnes drépanocytaires, quelles sont les statistiques et les tendances actuelles après tout ce que vous faites ?
Dramane Banaon : Avec ce que nous faisons, on peut dire que nous apportons quelque chose de non négligeable. Mais ce serait très prétentieux de dire que la tendance est à la baisse ou à la hausse car notre grosse préoccupation actuelle, c’est le problème de statistiques pour étayer nos plaidoyers. Si vous n’avez pas une étude statistique disponible, il est difficile de savoir si ç’a augmenté ou diminué. Mais nous sommes en train de sensibiliser et de faire les plaidoyers avec les partenaires pour qu’on multiplie les études qui vont mettre en lumière l’ampleur du phénomène.
Vous imaginez que la dernière étude dont on dispose, c’est est une étude du ministère de la santé avec l’appui de la Principauté de Monaco de 2019 à 2020. Cette étude a fait sortir des statistiques qui font froid au dos. Vous imaginez 4,63% de prévalence de la drépanocytose sur la population totale ; c’est énorme. En plus de ça, Ils ont touché plusieurs régions et ont pu donner des détails sur les formes SS, SC et sur les proportions en milieu rural et en milieu urbain. Lorsque nous, en tant qu’association, nous disposons de ces données, elles nous permettent de convaincre les partenaires. Sinon aujourd’hui, lorsqu’on prend au niveau de notre communauté de malades de drépanocytose et leurs familles, nous pouvons dire sans se tromper que les choses ont évolué. Parce que les parents connaissent mieux la maladie et on sent une amélioration chez ceux qui sont dans l’association par rapport à leur début. Nous faisons beaucoup de sensibilisation pour amener les parents qui sont dans l’ombre à adhérer et à venir vers l’information sur la maladie.
Ouest Info : Quelle est la part contributive du ministère de la santé dans votre lutte ?
Dramane Banaon : La part du ministère de la santé est énorme. Vous savez que le gouvernement ne peut pas tout faire. En tant qu’association de la société civile, nous avons le devoir de travailler à côté du ministère pour apporter notre part. De nos jours, le dépistage est disponible. Bien qu’il y ait des insuffisances et des limites, les gens arrivent à faire le dépistage à certains endroits. Il y a aussi que tous les malades dépistés qu’ils soient enfants ou adultes sont bien pris en charge dans les hôpitaux, les centres de santé et les pédiatries. L’existant que le ministère de la santé a pu mettre en place à ce niveau est déjà énorme.
Mais nous demandons à ce que les choses puissent avancer. Par exemple dans la sous-région, nous sommes pratiquement l’un des seuls pays qui ne dispose pas encore de centre de référence de prise en charge de la drépanocytose. Des pays comme le Mali, le Sénégal, le Niger et autres en disposent. Il doit y avoir un centre de ce genre au Burkina Faso où on ne prend en charge que les drépanocytaires avec un plateau technique assez pointu qui fait en sorte que lorsque ça ne va pas au niveau périphérique, on puisse soulager le patient le plus rapidement possible une fois dans ledit centre.
Ouest Info : Quels sont les autres acteurs qui vous soutiennent dans vos actions de lutte contre la drépanocytose ?
Dramane Banaon : Au début, ce n’était pas facile mais de plus en plus, on a des partenaires techniques et financiers. Nous travaillons avec des gens qui nous appuient pour les activités que nous menons. Les activités de sensibilisation qui se tiennent dans cinq (05) localités du pays ce 21 décembre 2024 sont financées par la Fondation Pierre Fabre, un de nos partenaires basés en France et qui nous accompagne depuis 2014. Imaginez que s’il y a des limites au niveau de ce partenaire, nous restons sans moyens. Avec par exemple, l’évolution actuelle de la situation politique au Burkina, nous avions un programme dénommé drépa-Faso qui a été accompagné par l’Agence Française de Développement (AFD) et la Fondation Pierre Fabre pendant quatre (04) ans. Et lorsque le programme est fini, nous avons monté un autre dossier pour reprendre mais ç’a été bloqué pour ce que vous savez. L’AFD s’est retirée et du coup nous n’avons plus de ressources pour pouvoir continuer. Nous demandons à qui de droit de mettre l’accent sur la mobilisation des ressources endogènes car c’est ce qui nous permettra d’avoir une souveraineté. A ce niveau, nous avons organisé des séances de formation à l’intention des antennes régionales avec un spécialiste qui leur a outillé sur les techniques et la démarche pour la mobilisation des ressources endogènes au niveau du pays. Chaque antenne essaie de faire sa part pour que même s’il y a un appui extérieur, c’est pour venir renforcer ce qui existe déjà.
Ouest Info : est qu’on peut espérer un jour zéro malade de drépanocytose au Burkina Faso ?
Dramane Banaon : Nous avons deux centres d’information. Un centre principal à Ouagadougou et le centre secondaire à Bobo. Au niveau du centre de Ouagadougou, nous sommes en collaboration avec la commune. Notre rêve est de voir un jour la drépanocytose tellement résiduelle qu’elle soit banalisée. Résiduelle en ce sens que les taux de prévalence deviennent 0 cas. Et c’est faisable car c’est une maladie chronique héréditaire. Si nous mettons l’accent sur la sensibilisation et le conseil génétique, c’est bien possible d’endiguer le mal.
Ouest Info : quelles sont vos stratégies à long terme pour espérer atteindre l’objectif « zéro cas » de drépanocytose au Burkina Faso ?
Dramane Banaon : Nous avons des stratégies que nous déployons. Au niveau du centre de Ouagadougou, on a des médecins qui accompagnent les jeunes pour le conseil génétique. Pour le mariage, les gens utilisent souvent les examens prénuptiaux comme des compléments de dossiers. Alors que c’est plus important que ça. Lorsque que vous partez faire les examens prénuptiaux et vous êtes AS et votre futur conjoint est SS par exemple, il est important que vous vous approchiez d’un spécialiste qui vous dira ce, à quoi vous pouvez vous attendre. Car les médecins, eux ne vous diront jamais de ne pas vous marier mais se contenteront de vous donner les informations nécessaires. Il y a aussi le dépistage néo-natal qui est une autre dimension que nous avons développée. C’est le Centre d’Initiatives contre la Drépanocytose (CID) du Burkina qui a initié ce dépistage avec l’appui de la Fondation Pierre Fabre. Nous avons appuyé quatre (04) maternités du Burkina pour initier ce dépistage. Nous avons mis ce dépistage néo-natal dans notre plaidoyer et nous avons demandé au ministère de la santé pour que ça se généralise dans les centres de santé au niveau national.
Par exemple pour mon cas personnel, bien vrai que j’ai fait l’école mais je suis AS et mon épouse aussi. Nous avons eu quatre enfants. Notre premier enfant est SS, le second AA et les deux autres sont AS. C’est au détour des crises et des hospitalisations répétées de notre enfant que nous avons fini par faire le dépistage. Si on l’avait fait plutôt, peut-être qu’on aurait eu moins de dégâts. Lorsqu’un enfant nait drépanocytaire, c’est généralement vers l’âge de six (06) mois que la maladie s’extériorise avec les syndromes pieds-mains (Ndlr : enflements des pieds et des mains). Nous avons initié le dépistage à la naissance. Là, si les parents sont au courant que l’enfant est drépanocytaire, ils vont prendre des dispositions. Ce qui évite les complications. Dans nos activités, nous organisons des cadres pour informer les jeunes sur la drépanocytose et nous sommes convaincus que cela va impacter leur choix au niveau du mariage.
Ouest Info : Quels conseils à l’endroit de tous sur la drépanocytose ?
Dramane Banon : Nous invitons les populations à faire le dépistage de la drépanocytose car ça nous concerne tous. On peut circuler en disant que tout va bien alors que nous pouvons être des porteurs sains et être capables de transmettre la maladie à une génération donnée. Connaître son électrophorèse permet d’anticiper et de contribuer à réduire la prévalence de la drépanocytose. Dès lors qu’on se sait drépanocytaire, il ne faut pas négliger le suivi. Même lorsque ça va, il faut se faire suivre. Car souvent c’est un piège qui couve des risques de complication. C’est pourquoi notre souhait est de toucher le cœur de tout un chacun pour qu’il puisse nous accompagner sur le terrain. Car lorsqu’on veut faire des prises en charge ou donner des informations aux parents, il faut des moyens pour les réunir.
Ouest Info : Merci beaucoup à vous Monsieur Banaon pour la disponibilité et pour toutes ces informations sur la drépanocytose au Burkina Faso.
Dramane Banaon : C’est plutôt moi qui vous remercie pour l’intérêt que vous accordez à ce sujet.
Interview réalisée par Abdoulaye Tiénon/Ouest Info
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