Le sang, ce liquide précieux qui ne se trouve sur aucun marché, mais qui sauve des vies. Pour s’en procurer, il faut que des bonnes volontés acceptent donner de leur de sang. Chose qui n’est pas toujours évidente. A Bobo-Dioulasso comme partout au Burkina Faso, la saison des pluies marque une période de forte demande de sang. A ce sujet, une équipe de Ouest Info est allée à la rencontre de Docteur Alain Konseybo, médecin immuno-hématologue et chef de service collecte de sang au niveau du Centre régional de transfusion sanguine (CRTS) de Bobo-Dioulasso. Il donne des détails sur l’état de collecte de sang en fonction des besoins, des difficultés qu’ils rencontrent et des initiatives mises en place pour faire face à la forte demande de la saison. Lisez plutôt !
Ouest Info : En cette période de forte demande, quel est l’état de la collecte de sang à Bobo-Dioulasso ?
Docteur Alain Konseybo : Nous sommes pour ces dernières semaines assez satisfaits. Car nous sommes à la recherche d’environ 600 à 700 poches par semaine et pour ce qui concerne le centre de Bobo, nous avons pu atteindre nos objectifs depuis deux (02) à trois (03) semaines. La semaine dernière, nous avons pu avoir environ 847 poches de sang. Mais nous sommes toujours à la recherche de sang car quand on prend globalement au niveau du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), nous sommes dans un besoin théorique de 5 600 poches par semaine. Et la semaine passée nous n’avons eu que 4400 poches.
Ouest Info : Qu’est ce qui explique ce manque ?
Docteur Alain Konseybo : Au Burkina Faso, 60 à 70% des donneurs de sang sont des élèves et des étudiants. Et dès que ces personnes sont en vacances, il est difficile de mobiliser. Et même quand on part dans les quartiers, c’est compliqué car les gens attendent les week-ends pour se retrouver dans leur association et leur lieu de culte pour faire les dons alors que du lundi au vendredi, nous avons besoin de sang. Ceux qui viennent dans les centres de transfusion sanguine pour donner leur sang représentent à peine 30 à 40% de nos besoins. Quand les associations se mobilisent aussi, c’est très souvent des associations de femmes et parfois de personnes âgées qui, ne peuvent pas forcement donner leur sang. Chaque jour nous avons à peine 20 à 30 personnes qui viennent donner le sang à notre niveau.
Ouest Info : quels sont les besoins journaliers en sang dans votre zone de couverture ?
Docteur Alain Konseybo : Les besoins journaliers du Centre régionale de transfusion sanguine de Bobo-Dioulasso s’élèvent de 100 à 150 poches au minimum. De façon globale au Burkina, ceux qui sont en âge de donner le sang et qui respectent toutes les conditions sont estimées à environ 9 millions de personnes sur les 22 millions. Mais en 2023, c’est juste 88 000 personnes sur les 9 millions qui ont donné leur sang à l’échelle du pays. Donc il y a réellement un travail de prise de conscience qui doit être fait. On rappelle qu’un homme peut donner son sang chaque trois (03) mois et une femme peut donner chaque quatre (04) mois.
Ouest Info : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cette mission de collecte de sang ?
Docteur Alain Konseybo : Nous rencontrons plusieurs difficultés. Il y a entre autres la difficulté de fidélisation des donneurs et le problème de disponibilité des poches. Ces difficultés sont d’ordres général car il y a des zones inaccessibles vers Fada N’Gourma et Dori où nous n’arrivons pas à faire les collectes normalement. Nous rencontrons également des difficultés matérielles et financières. Aujourd’hui, il y a des personnes ou des associations qui viennent vers nous pour des collectes mais nous n’arrivons pas à honorer. Car nous n’avons pas assez de matériels, de véhicules, de fauteuils, et aussi d’argent pour faire des sorties. Il faut noter aussi que le centre de Bobo-Dioulasso est dépassé car il a été le premier centre de transfusion sanguine au Burkina en 2005.
Ouest Info : Quelles sont vos perspectives pour atteindre vos objectifs ?
Docteur Alain Konseybo : Nous communiquons régulièrement. Nous partons vers les jeunes à travers le concept des clubs 25 qui sont installés au niveau des établissements et des lieux de culte. Ces clubs permettent aux jeunes de se regrouper et de faire des dons de sang. Nous avons également une base de données qui nous permet d’appeler régulièrement les donneurs. Cette base de données nous aide mais ce n’est pas tellement efficace. Parce que sur 100 donneurs appelés, on arrive à peine à avoir dix (10) donneurs qui vont accepter revenir. Mais, la meilleure stratégie est l’implication de la communauté car à chaque fois qu’elle s’implique, ça marche plus.
Ouest Info : Est-ce-que vous faites souvent recours à d’autre centres régionaux pour satisfaire vos besoins ?
Docteur Alain Konseybo : Oui, il arrive parfois que les centres de Gaoua, de Dédougou ou même de Koudougou nous soutiennent. Mais il faut noter que Bobo à une certaine sécurité pour le moment. La plupart du temps, c’est Bobo qui soutient les autres centres. Actuellement, c’est essentiellement Bobo-Dioulasso et Ouagadougou qui concentrent une forte population sans grand défis sécuritaire et ce sont ces deux zones qui doivent collecter le maximum de sang pour soutenir les autres zones. Au niveau du Centre Nationale de Transfusion Sanguine (CNTS), ce n’est pas une division régionaliste. Chaque fois, nous faisons le point de ce que nous avons eu et du manque à gagner dans chaque centre. Par exemple nous avons été à Houndé pour une collecte et nous avons invité Gaoua à y aller avec nous car ce centre était en déficit.
Ouest Info : Quel message avez-vous à l’endroit de la population à propos du don de sang ?
Docteur Alain Konseybo : Nous remercions la population pour les efforts fournis. C’est vrai que ce n’est pas suffisants mais ce n’est pas négligeable. Si nous avons pu atteindre nos objectifs les deux dernières semaines, c’est parce que les médias, les organisations de la société civile, les leaders communautaires, les responsables politiques et d’autres leaders ont communiqué pour qu’il y est une prise de conscience. Nous encourageons tous ceux qui sont engagés à continuer dans cette lancée. C’est là où nous devons sentir le soutien patriotique, car il n’y a rien de pire pour un combattant, que de venir à l’hôpital et qu’on lui dise qu’il n’y a pas de sang pour pouvoir le sauver. Parce que ceux qui sont rester en ville ont préféré donner de l’argent mais pas de leur sang. Malheureusement il n’existe pas de poche de sang à vendre. Nous cotisons pour acheter le matériel de guerre mais nous ne pouvons pas cotiser pour acheter le sang. Il faut des donneurs. Je demande à la population à intégrer le don de sang dans leurs habitudes et à l’associer au besoin à leurs évènements. Nous espérons également avoir un centre plus adéquat pour répondre aux défis actuels.
Interview réalisée par Leïla Korotimi Koté /Ouest Info