Le Burkina Faso célèbre le 20 octobre de chaque année, la journée nationale de la liberté de la presse. Dans le cadre de la commémoration de l’édition 2024 de cette journée, le Centre national de presse Norbert Zongo et la presse nationale publient quatre éditos de Norbert Zongo toujours d’actualité. Question d’interpeller sur la situation de la presse. En voici le deuxième des quatre éditos.
N’est-il pas excessif de parler d’opinion publique pour la presse au Burkina Faso ? Les plus optimistes pensent qu’elle est en train de naitre cette opinion publique de la presse burkinabè. Pour les autres – y compris des hommes de média – elle est inexistante. Pourtant la presse pour tous les cieux ne tire sa force que de cette opinion publique. C’est elle qui la supporte lorsqu’elle se heurte à la force politique. C’est elle qui oblige les journalistes à se surpasser dans l’exercice de leur métier, tout en recommandant aux communicateurs le strict respect de la déontologie et des règles morales majeures de la société.
L’opinion publique est à la presse ce que la sève est à l’arbre. Leur complémentarité les hisse au rang de complices indispensables l’une à l’autre.
Si la presse fait et défait les régimes et les hommes politiques en Occident, ce n’est ni par simple « poids de mots » ni le « choc des photos », selon la formule de Paris Match. La presse est considérée comme la voix de l’opinion publique, le surveillant que cette dernière a engagé pour observer le système politique et ses hommes.
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Mais l’opinion publique naissante de la presse burkinabè ne reconnaît à la presse que de nombreux devoirs sans pour autant lui assurer son droit au soutien. Par exemple après avoir déplié ce qu’il est convenu d’appeler le catalogue des défauts des journalistes (pauvreté, infidélité, opportunisme, alcoolisme, griotisme…), l’opinion publique exige du journaliste burkinabè la droiture, la rectitude morale, l’amour de la vérité ; autant de qualité qui font honneur au métier du journaliste.
Seulement là où notre opinion publique ne joue pas son rôle jusqu’au bout, c’est sa réaction devant les révélations ou les dénonciations de la presse. L’opinion publique se contente parfois de dire : « C’est vrai ce que le journaliste a dit : il y a vol, corruption, détournement de fonds, etc. ». Entre ces déclarations, on soulève un verre de bière, pour tirer ensuite sur un long bâtonnet de brochettes pimentées. On avale le tout avec la vérité des journalistes.
Pour caractériser l’attitude de l’opinion publique burkinabè vis-à-vis de sa presse, on pourrait utiliser l’image suivante : un fin gourmet qui exigerait des plats succulents tout juste pour les admirer et les ranger.
La liberté de la presse aura peu d’influence positive sur le processus démocratique sans une réelle participation de l’opinion publique. Sans sève pas d’arbre.
L’Indépendant n°3 du 17 août 1993