Souhaibou Ouédraogo est un étudiant en première année d’informatique à l’Université Nazi Boni (UNB) de Bobo-Dioulasso. En situation de handicap moteur et partiellement au niveau des membres supérieurs, il s’est toujours illustré par des moyennes scolaires remarquables. Son Baccalauréat en poche en 2023 avec la mention “Bien”, il intègre l’Ecole Supérieur d’Informatique de l’UNB. Il est aujourd’hui face à des difficultés qui menacent l’avenir de ses études.
Ayant décroché le Baccalauréat série D en 2023 avec plus de 14 de moyenne, Souhaibou Ouédraogo espérait un parcours universitaire bien tracé. Le début des cours à l’université le ramène à la réalité. Le degré de son handicap ne lui permet pas d’emprunter les bus pour l’université sans être assisté. En désespoir de cause, il confie son sort à un voisin de quartier qui est conducteur de taxi et qui n’a jamais manqué l’occasion de l’assister pour ses longs déplacements.
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Orphelin de père à l’âge de quatre (04) ans dans une famille modeste, Souhaibou ne manque pas de secours de la part de cet homme qu’il considère désormais comme son petit papa. Habitant à plus de dix (10) kilomètres du site de l’université, le voisin conducteur de taxi lui promet de l’amener et de le ramener gracieusement de l’université chaque jour de cours.
Malheureusement cette volonté de secourir le jeune étudiant en situation de handicap n’a pas pu se manifester pendant longtemps. Le taxi du sauveur de Souhaibou prend une grosse panne pendant qu’il assurait son transport. Il ne parvient pas à réparer la panne. Souhaibou peine à regagner le chemin de l’université. Il trouve un autre taximan qui l’y conduit chaque matin pour le ramener le soir après les cours. Mais peu après, le nouveau sauveur de l’étudiant en situation de handicap l’informe qu’il lui tendra désormais une facture par mois. Chose que ni Souhaibou ni sa mère qui est ménagère ne peuvent honorer. C’est son ancien directeur d’école primaire qu’il a agréablement marqué par ses moyennes qui essaie de se charger de son transport à hauteur de 2000 FCFA par jour de cours à l’université. C’est d’ailleurs ce même directeur d’école primaire qui lui avait loué une maisonpour lui rapprocher de son centre de composition pendant l’administration des épreuves de la session 2023 du baccalauréat.
Mais avant l’intervention du directeur d’école, l’avenir académique de Souhaibou était menacé à telle enseigne qu’il n’a pu valider le semestre 2 en session normale bien qu’il soit un étudiant à la tête bien pleine. Pourtant Souhaibou avait reçu une pile de promesses à l’annonce de son succès au baccalauréat avec 14,08 de moyenne pour une première fois en terminale et ce, malgré son handicap. Beaucoup de ces promesses ne sont restées que des promesses.
Le jeune garçon de 20 ans est animé par la rage de réussir pour prendre soin de sa mère et pour participer au développement de son pays le Burkina Faso. Etant en situation de handicap bien prononcé et issu d’un milieu social défavorisé, le jeune étudiant fait actuellement face à de nombreux défis dont celui du transport vers l’université. Au moment où nous dressons ces lignes, Souhaibou ne rêve que d’une chose pour sauver son cursus académique : l’aide d’une bonne volonté pour réparer le taxi de son transporteur gracieux de tous les temps ou une prise en charge de ses frais de transport quotidien par taxi . Ce qui va lui permettre de continuer à suivre normalement les cours à l’université. « C’est vrai que je suis confronté à d’autres difficultés notamment le problème de restauration à l’université et le manque de lumière à la maison pour bosser mais la plus préoccupante de toutes ces difficultés, c’est le transport. Le degré de mon handicap ne me permet pas d’emprunter les bus sans être toujours assisterr. Je ne peux pas non plus rouler une moto adaptée aux personnes en situation de handicap. Ce qui me convient le mieux, c’est le taxi car il me conduit jusque devant ma salle de cours et mes camarades de promotion sortent pour m’aider à m’installer en salle. C’est vrai que je bénéficie de la bourse d’indigence mais vu que je suis orphelin de père depuis tout petit et que ma mère est ménagère, je l’utilise pour mes besoins fondamentaux de base du quotidien », explique Souhaibou Ouédraogo d’un air résigné.
Le garçon qui n’a pas bénéficié des faveurs de la nature s’inquiète déjà pour son avenir si toutefois une solution n’est pas trouvée à sa situation. « Avec ma condition physique, que vais-je devenir si mes études n’aboutissent pas ? Je ne peux rien faire de physique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai décidé de faire l’informatique car la plupart des compétences dans ce domaine n’ont pas besoin d’efforts physiques. Et cela convient mieux à ma situation. Sinon je rêvais de faire la médecine pour devenir médecin. Mais vu que je ne peux me mouvoir indépendamment, j’ai préféré opter pour des études dont les débouchées conviennent mieux à mon physique », Souhaibou s’interroge-t-il sur son avenir si ses études en informatique ne vont pas jusqu’au bout.
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Or si la loi 012-2010/AN du 1er avril 2010 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées était bien appliquée, le brave Souhaibou, exemple patent de résilience, ne devrait pas être l’auteur de ces questionnements sur son avenir du fait de son handicap. L’article 10 par exemple de cette loi offre aux personnes en situation de handicap des faveurs en matière d’éducation. Elle stipule que “toute personne handicapée bénéficie d’une priorité d’inscription en milieu ordinaire, dans l’établissement préscolaire, primaire, secondaire, supérieur ou professionnel le plus proche de son domicile. La personne handicapée doit bénéficier, chaque fois que de besoin, des aides spécialisées, des enseignements adaptés à la scolarisation des élèves en situation de handicap”. Les articles 16 à 20 de cette même loi évoquent des traitements particuliers en faveur des personnes en situation de handicap dans le domaine du transport.
Possédant la carte d’invalidité instituée par la loi 012-2010/AN portant protection et promotion des droits des personnes handicapées, Souhaibou Ouédraogo ne devrait en principe pas dépendre des largesses des bonnes volontés pour espérer aller au bout de ses études supérieures. Sa prise en charge devrait être automatique ne serait-ce que pour un bon déroulement de sa formation académique.
Mais en attendant, Souhaibou n’a que sa résilience, le soutien moral de sa mère, la contribution financière de son ancien directeur d’école et les encouragements de son oncle taximan en difficulté pour affronter les dures réalités du milieu universitaire dans l’espoir d’une solution définitive pour s’y maintenir.
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info