Dans la ville de Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso, la restauration est l’un des secteurs d’activités les plus florissants. C’est une activité qui contribue fortement au développement du secteur informel. Ce secteur, longtemps resté la chasse gardée des femmes est désormais l’affaire des hommes à Bobo-Dioulasso. Jean-Baptiste Bakouan et Adama Sawadogo sont de ces hommes qui font de la restauration leur gagne-pain. A la rencontre de ces hommes restaurateurs, ils se frottent bien les mains.
Dans les sociétés traditionnelles africaine, tout ce qui a trait à la cuisine était attribué aux femmes. Que ce soit dans les ménages, lors des évènements ou dans les restaurants, il était rare de voir un homme à la manœuvre. Mais, de plus en plus, les hommes brisent le tabou autour de ces métiers « dits de femme ». Mieux, certains de par leur talent et savoir-faire arrivent à s’y faire une place de choix. C’est le cas de Jean-Baptiste Bakouan et Adama Sawadogo.
La trentaine bien sonnée, Jean-Baptiste Bakouan est étudiant et propriétaire d’un « garbadrome » situé au secteur 29 de la ville de Bobo-Dioulasso. Issu d’une mère restauratrice, il était prédisposé à faire ce métier. Il aimait cuisiner mais ça ne même si cela ne l’enchantait pas d’en faire une activité génératrice de revenus. Mais son talent dans la cuisine séduit son entourage et lui fait laisser des traces d’art culinaire partout où il passe. C’est ainsi qu’à l’université, il croise une camarade qui découvre en lui le potentiel d’un excellent cuisinier. Elle va alors l’encourager et lui donner le goût de se lancer dans la restauration. Jean-Baptiste Bakouan décide de se lancer dans la vente de l’attiéké.
« J’avais une mère restauratrice. Depuis l’école primaire, je l’accompagnais dans la vente des repas. A mon arrivée à l’université, je n’avais pas du tout l’idée d’entreprendre dans la restauration. C’est une amie ivoirienne qui a découvert mon potentiel et m’a proposé à maintes reprises de vendre de l’attiéké. J’ai d’abord hésité mais j’ai fini par apprécier sa proposition », l’étudiant raconte comment l’idée de la restauration s’est présentée à lui un gagne-pain.
L’idée de la création d’un restaurant bien mûrie, Jean-Baptiste Bakouan s’est mis à mobiliser depuis 2012 les ressources nécessaires pour concrétiser son projet. Ainsi, en 2018, il ouvre son premier restaurant au secteur 22 de Bobo-Dioulasso qui sera par la suite fermé pour diverses causes. Il ne lâche pas prise. Cinq (05) mois plus tard, il ouvre un nouveau restaurant spécialisé dans la vente d’attiéké prêt à consommer. Il aura le bon bout cette fois-ci. Son petit business commence bien. Il réalise des bénéfices et se fait peu à peu une renommée dans la vente d’attiéké à Belle-Ville, secteur 29 de Bobo-Dioulasso. « Après avoir mûri l’idée de mon restaurant de vente d’attiéké, il me fallait un financement. Sans accompagnement, je me suis trouvé un petit boulot. C’est comme ça que j’ai économisé et acheté au fur et à mesure le matériel pour ouvrir le restaurant. Et il m’a fallu six (06) ans pour concrétiser mon projet. Le premier restaurant était vers le guichet unique au secteur 22 de Bobo-Dioulasso. La zone était inondée quand il pleuvait et le problème et l’emplacement aussi n’était pas favorable au type d’activité que j’avais mis en place. J’ai dû stopper le projet pendant cinq (5) mois à compter d’août 2018 avant de rouvrir en 2019 dans ce lieu où nous sommes aujourd’hui à Belleville » Jean-Baptiste Bakouan revient sur son parcours de jeune entrepreneur.
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Aujourd’hui, ce dernier emploie de manière permanente deux personnes. Et depuis le début de son activité, au moins une dizaines d’employés sont passés par la jeune et petite entreprise. Bienvenue Bakouan est la cousine de l’étudiant entrepreneur. Elève, elle consacre ses temps libres à l’aide de son cousin dans son activité de restauration. Et cela dure maintenant plus de trois (03) ans. « Cela fait plus de trois (03) ans que je travaille avec mon cousin dans son restaurant. Je suis avec lui pendant les vacances et à mes temps libres. On s’entend bien et il est compréhensif. Il dit clairement ce qu’il veut que je fasse et je le fais sans discussion. Donc on se comprends très bien. Je travaille de 9h30 à 22h00. Le salaire me permet d’épauler mon père dans les charges familiales», témoigne Bienvenue Bakouan.
Pour Jean Baptiste Bakouan, la principale difficulté se trouve au niveau de l’approvisionnement en matières premières. « Ce sont les ruptures de stocks d’attiéké et de poissons thon qui nous fatiguent le plus. Il y a aussi l’instabilité du personnel. Certaines personnes commencent le travail et deux jours après ils disparaissent sans aucune explication. Certains autres viennent faire des entretiens d’embauche et ne reviennent plus», Jean Baptiste Bakouan égrène son petit chapelet de difficultés en tant que chef d’une petite entreprise de restauration.
Adama Sawadogo, un autre visage masculin de la restauration à Bobo-Dioulasso
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Comme Jean-Baptiste Bakouan, Adama Sawadogo excelle dans le domaine de la restauration depuis plus de dix (10) ans à Bobo-Dioulasso. C’est après le décès de son géniteur qui était vendeur de café, qu’il décide de prendre la relève autrement. Il décide d’ajouter au café des plats de nourriture. « Mon père était un vendeur de café et je l’accompagnais souvent. Après son décès j’ai décidé de prendre la relève et d’en faire un restaurant. Actuellement je vends du riz, du spaghetti, de la soupe, et souvent des frites», explique Adama Sawadogo.
Adama emploie aujourd’hui trois (03) personnes dans son restaurant et ouvre tous les jours de 6h à 17h. Pour lui, la bonne clé de ce métier est la propreté et la courtoisie envers les clients. « Nous rencontrons souvent quelques altercations avec des clients. Mais, il faut savoir bien se comporter envers eux parce que tout le monde n’est pas de bonne humeur tous les jours. Il faut gérer l’humeur des clients sans être soit même fâché. Ensuite, il faut être propre car l’une des bases de la restauration est la propriété. Il faut rendre le cadre propre. Les mets doivent être sains et savoureux aussi », Adama Sawadogo partage une partie du secret du succès dans la restauration.
La restauration nourrit bien son homme
Adama et Jean Baptiste sont unanime sur le fait que la restauration est un métier qui nourrit bien son homme. Tous deux, même s’ils n’ont pas encore atteint le niveau de vie qu’ils désirent, ils ont pu, confient-ils, réaliser des projets de vie et mènent « une vie stable » grâce à la restauration.
« Souvent j’arrive à vendre 100.000 fcfa par jour. Quand il n’y a pas le marché, on arrive à vendre quand même entre 50.000 fcfa et 75.000 fcfa par jour. Avec les revenus, j’arrive à subvenir à mes besoins. J’ai suivi beaucoup de formations avec les revenus de la restauration. J’ai même fait des formations sur la restauration auprès de différents chefs cuisiniers en présentiel ou en ligne. Dans le futur, j’envisage mettre en place un restaurant en bonne et due forme avec des menus variés avec des mets locaux », Jean-Baptiste Bakouan décline son chiffre d’affaires journalier dans la vente d’attiéké avec à la clé l’ambition d’évoluer vers un restaurant au menu varié.
Les préjugés autour du métier de Adama et Jean-Baptiste
Pour un métier qui a longtemps été considéré comme celui des femmes en Afrique et surtout au Burkina Faso, Adama Sawadogo et Jean-Baptiste Bakouan ont su surmonter les préjugés et difficultés pour s’imposer dans le milieu de la restauration dans leurs milieux respectifs à Bobo-Dioulasso. S’ils sont admirés et encouragés dans leurs activités par beaucoup de bobolais, certains autres ne manquent de tourner leur métier en dérision.
« Personnellement cela ne me dérange pas d’être un homme qui exerce dans la restauration. Je ne tiens pas compte des préjugés. Certaines personnes me disent que la vente d’attiéké est un mauvais choix. D’autres aussi ne cessent de m’encourager. Donc, je considère mieux les encouragements que les railleries. Et c’est aussi parce que j’aime le métier que je l’exerce. Il y a eu des moments où j’aurais pu abandonner à cause des difficultés car il ait des moments où je vends sans aucun bénéfice. Je le fais juste pour maintenir la clientèle. Je fais face à tout cela et mon moral reste toujours haut. Donc l’opinion des gens ne me fera pas baisser les bras », Jean Baptiste Bakouan exprime sa résilience face aux péripéties d’un métier duquel il vit désormais.
Contrairement à lui, Adama confirme n’avoir jamais été confrontées à des préjugés de manière directe. A ses dires, plusieurs personnes apprécient sa cuisine « bien plus que celle de certaines femmes ».
Pour nos deux restaurateurs, Il n’y a pas de sot métier. Il faut juste, disent-ils, avoir l’amour de son travail. « A tout jeune, je conseillerai de se lancer sans hésiter dans ce qu’il aime comme métier», un conseil de Jean-Baptiste Bakouan qui épouse bien la pensée de Confucius qui invite à « choisir un travail qu’on aime et l’on n’aura pas à travailler un seul jour de sa vie ».
Leïla Korotimi Koté/ Ouest Info