Les jeux du hasard et d’argent, les jeux-vidéo, les jeux en ligne (paris) et autres, sont devenus un comportement assez normal de nos jours. Homme, femme, enfant, jeune, et même les personnes âgées, chacun trouve en ces jeux, une véritable source de divertissement, de plaisir et même des voies d’enrichissement. Bien qu’ils participent à l’épanouissement de ses adeptes, ces jeux, deviennent un véritable danger lorsque des sujets en deviennent accroc. Dans cette interview, Anselme Sanon, psychologue clinicien à la Clinique Yerelo, du Centre Muraz dans l’enceinte de la Direction régionale de la santé et de d’hygiène publique des Hauts-Bassins (Service d’hygiène), développe l’addiction aux jeux, ses manifestations et ses conséquences. Lisez plutôt !
Ouest Info : Que doit-on entendre par être addict aux jeux ?
Anselme Sanou : De façon générale, on parle d’addiction comme une dépendance à une substance psychoactive (illicite ou licitelicite). C’est une consommation problématique d’une substance. Mais de nos jours, on considère qu’on peut avoir d’autres addictions. Par exemple des addictions comportementales comme les addictions aux jeux vidéo, argent, hasard et des addictions sexuelles. Donc par addiction aux jeux, il faut entendre une dépendance aux jeux qui se manifeste par une envie compulsive de jouer ; il perd le contrôle ; il faut qu’il joue ! Quelque chose le pousse à jouer en dehors de toutes les conséquences physiques et psychologiques qui peuvent en découler. Tout est centré sur le jeu. La personne est amenée à jouer de plus en plus.
Ouest Info : Comment peut-on, psychologiquement, expliquer le fait qu’une personne soit accro aux jeux ? Du moins, qu’est-ce qui se passe dans la tête de cette personne ?
Anselme Sanou: Le jeu vient répondre à notre besoin de loisir et d’épanouissement. Ici, le jeu est conçu non seulement pour divertir mais aussi pour « récompenser ». En fait, ils sont faits de façon ludique de telle sorte qu’on a toujours envie de jouer. Par exemple, quand il s’agit des jeux d’argent, le joueur se dit qu’il va gagner car, avec tout l’argent qu’il a perdu, il se dit qu’il faut obligatoirement récupérer cet argent. Donc il y a ce plaisir de jouer au point qu’on a l’impression qu’il joue plus pour le plaisir que pour le gain. C’est alors qu’on a du mal à se concentrer sur autre chose que le jeu. Le trouble du comportement de jeu peut s’installer pendant des périodes de fragilité psychologique, à l’adolescence, à l’occasion des évènements de vie difficile ; la fonction du jeu ici c’est lutter contre la tristesse. Il devient un comportement qui nous empêche de penser, une anesthésie en quelque sorte. Il peut avoir aussi chez le sujet dans l’anxiété ou la dépression des effets de soulagement. Il nous permet d’oublier. Le jeu aussi peut venir nous aider à nous affirmer chez des personnes qui ont une faible estime de soi. Du coup, il sera obligé de jouer avec ses amis pour intégrer leur groupe et se faire aimer. Et quand il s’adonne à cela, il y aura un moment où il ne peut plus se contenir. C’est un pansement.
Ouest Info : Quelles peuvent être les conséquences de l’addiction aux jeux ?
Anselme Sanou : Les conséquences sont nombreuses. En effet, nous avons des conséquences personnelles qui peuvent être la perte de l’estime de soi, les emprunts, ou le vol pour avoir l’argent qui va servir au jeu, l’amaigrissement car la personne n’aura pas à se donner le temps de manger et de dormir. Et souvent, même quand la personne dort, elle va continuer à rêver du jeu qui occupe tout son esprit. Il y a aussi la culpabilité ; la honte ; l’anxiété, la dépression et le suicide. Les joueurs peuvent développer également la dépendance et la tolérance aux jeux. Car, ils doivent augmenter à chaque fois le temps de jeux pour avoir la même sensation. Aussi, lorsque ce sont des élèves qui jouent, cela peut entrainer la déscolarisation. Ils vont plus se concentrer sur les jeux que sur les études. De plus, sur le plan professionnel, il peut arriver que des joueurs dilapident tout leur salaire et détruisent leur carrière. Il y a le rejet, la stigmatisation, la discrimination, l’exclusion, les divorces. Sans oublier la violence ; des familles veulent passer par l’emprises, la violence physique pour arrêter le comportement d’obsession pour le jeu.
Ouest Info : Dans ce cas de figure, y-a-t-il une thérapie ? Si oui, comment fonctionne-t-elle ?
Anselme Sanou : Oui ! D’abord, la thérapie marche quand la personne concernée par l’addiction aux jeux ou toutes forme d’addiction d’ailleurs, veut arrêter. C’est pourquoi il faut travailler sur la motivation à travers l’entretien motivationnel. Il y a des outils pour aider le patient à décider d’arrêter et des stratégies pour l’aider dans sa démarche de changement. Également, il y a les thérapies cognitivo—comportementales ou TCC qui permettent d’identifier les situations, les pensées et les émotions liées au comportement à problème. Cette thérapie consistera à chercher à mettre en place des stratégies pour changer les pensées, le comportement. Le patient aussi apprend comment refuser, comment gérer son stress par la relaxation, etc… Nous avons les thérapies psychodynamiques qui partent chercher les causes profondes, conscientes du comportement.
C’est une thérapie qui est longue. Elle remonte très loin dans notre vie pour rechercher les causes inconscientes, les conflits, les ruptures dans le développement, les défenses qu’elle met en travail. La thérapie permet donc d’aller chercher ce qui est derrière, tous les facteurs de vulnérabilité. Mais il ne faut jamais passer par la force. Cela ne marchera pas.
Ouest Info : Il y a aussi des sujets addicts à ces jeux qui ne sentent pas la nécessité de venir vers des soins ou du moins, ne savent pas qu’ils sont malades. Quels conseils pouvez-vous leur donner ?
Anselme Sanou : Ce n’est pas toujours évident parce que pour se dire qu’il y a un problème il faut accepter que l’addiction ce n’est pas seulement la toxicomanie mais le rapport à un produit aussi tel que le jeu. En plus, une personne qui tombe dans la dépendance ressent cette tension qui n’est vidée qu’avec le comportement ; aussi, elle se rapproche plus des gens qui sont dans la même dynamique que lui, donc des personnes qui jouent. Les industries de jeu montrent souvent les gains mais se gardent de sensibiliser sur le jeu pathologique ; Mais tant que le problème n’est pas perçu, il n’aura pas de demande de soins.
Il faut donc que les populations sachent que le comportement de jeux peut être pathologique. Dans ce cas on ne peut pas conseiller une personne qui ne sait pas qu’elle a un problème. Il faut noter que la dépendance aux jeux doit être reconnue comme un trouble qu’on doit prévenir et traiter. A cet effet, l’ampleur de la dépendance aux jeux doit être déterminée. Les entreprises de jeux doivent indiquer aussi que les jeux peuvent produire de la dépendance dans leur communication. Elles doivent avoir également des structures d’accompagnement pour les personnes qui tombent dans la dépendance à leur jeu.
Ouest Info : Quel est votre mot de fin ?
Anselme Sanou : Merci de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer sur cette question d’addiction aux jeux. Elle n’est pas, pour le moment, considérée alors qu’elle fait des ravages surtout au niveau des jeunes et au niveau scolaire.
Réalisée par Leïla Korotimi Koté & Adja Djamilatou Coulibaly/Ouest Info