Koyaga (nom d’emprunt), âgé de 42 ans était à la barre au Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso le vendredi 1er mars 2024. Trois chefs-d ’accusation pèsent sur lui à savoir l’usurpation de fonction ; l’usurpation d’identité et faux et usage de faux.
Les faits se sont déroulés courant l’année 2005 soit environ 18 ans. Cette année-là, Koyaga la vingtaine au complet, exerçait comme manœuvre dans une société de la place après quelques tentatives infructueuses aux concours de la fonction publique. C’est ainsi que Djourtou (nom d’emprunt) un de ses oncles ; commis de l’État à l’époque, proposa de l’aider, à travers un deal à intégrer la fonction publique comme « de garçon de salle ».
Il s’agissait en effet d’un réseau qui aidait à des gens à intégrer la fonction publique qu’ils aient composé et ce, moyennant des sommes d’argent.
« Cette année-là, c’est mon père qui est venu me dire que mon oncle dit qu’il y a un deal de travail. C’était le concours de garçon de salle. Il a dit à mon père qu’il y a une place disponible. Donc le vieux (ndr son père) devait payer quelque chose en contre -partie. Au début, moi j’ai refusé. Mais avec la pression, le vieux même avait coupé la parole avec moi. C’est là j’ai fini par céder. Et c’est lui qui a tout fait pour que j’intègre la fonction publique sans avoir composé », a expliqué le prévenu à la barre.
Et d’ajouter « lorsque mon oncle est venu proposer le deal, il a dit à mon père qu’il y a un de ses cousins du nom de Dankan (nom d’emprunt) qui était admis au concours en question mais qu’il était décédé. Donc moi je devais venir le remplacer ».
Que s’est-il passé après que tu aies cédé à la volonté de ton père, demande un des juges. « Quand j’ai accepté, ils ont pris les dossiers de Dankan qu’ils disaient être décédés qu’ils m’ont attribué : Son Certificat d’étude primaire, son extrait date de naissance. Quelques jours après ils ont fait une CNIB avec son nom mais c’était ma photo qui figurait sur la CNIB. Et c’est avec cette pièce je suis allé suivre la formation », a répondu le prévenu Koyaga.
Sorti de l’école de formation, Koyaga était devenu garçon de salle. Plus tard, il sera admis à un concours professionnel pour accéder au grade d’agent itinérant de santé. Le tout en 18 années. 18 ans passés à travailler sous du faux. 18 ans sous une identité qui n’est en réalité pas la sienne. 18 ans à se faire appeler Dankan par son épouse, ses deux enfants (qui portent eux aussi dans leur extraits le nom Dankan), ses collègues de travail et même sa hiérarchie. Bref, 18 ans à exercer un boulot qu’il sait n’avoir pas mérité.
Mais comme dit l’adage la vérité triomphe toujours. Ainsi, en 2020 soit 15 ans après, Dankan, le prétendu cousin décédé, se rend à l’Office Nationale d’identification pour s’établir une pièce d’identité. C’est ainsi qu’il apprend avec stupéfaction qu’une CNIB existe déjà en son nom avec toutes ses références. Il porte plainte contre X. Les enquêtes de la police judiciaire vont conduire jusqu’à Koyaga.
Un fait, plusieurs acteurs
« Comment vos documents se sont retrouvés dans les mains de Djourtou qui n’était en réalité pas ton cousin », questionna la Cour, s’adressant à la présumée victime.
« En réalité, je ne sais pas comment cela s’est passé. A l’époque, j’avais remis mes dossiers à une de mes cousines qui était à Houndé de venir déposer à Bobo pour moi car, j’étais au village. Mes dossiers sont ainsi partis et jusque-là, elle ne m’a rien dit si elle avait pu déposer mes dossiers ou pas. Sans mentir je n’ai pas composé le concours. Et je ne savais même pas que j’étais admis à ce concours », fait-il savoir.
Mais comment se fait-il que ton soit retrouvé sur la liste des admis, interroge, le Parquet. « Ça, c’est ma cousine qui peut répondre », répond Dankan.
A la barre, la cousine en question fait savoir que ce n’est pas elle qui aurait physiquement déposé les dossiers mais une amie à elle. « Quand je suis venue pour déposer les dossiers, le rang était long et moi mon heure de repartir à Houndé était arrivée. Donc j’avais une amie (qui est décédée actuellement) qui m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un au gouvernorat qui allait recevoir directement le dossier. Donc moi je lui ai remis le dossier pour qu’elle remette à sa connaissance en question et je suis partie. Elle ne m’a plus dit après si elle avait pu déposer ou pas », explique-t-elle à la cour.
Face à toutes ces déclarations, le Parquet estime qu’il y a assez d’éléments caractérisant les chef-d ’accusation qui pèsent sur le prévenu Koyaga, même si ce dernier dit avoir subi la pression de son géniteur et de son oncle qui, malheureusement ne sont plus de ce monde. Ainsi il a requis qu’il soit déclaré coupable de toutes ces infractions. En répression le condamné à 24 mois de prison et à une peine d’amende de 1 million le tout assorti de sursis.
Le dossier est mis en délibéré pour le 15 mars 2024.
Diakalia Siri/Ouest Info